Vingt ans après « Les Autres Filles », Caroline Vignal revient derrière une caméra, pourvue d’un œil attentif, patient et précis. Le périple est long et douloureux pour cette réalisatrice qui se cherche et qui cherche quelque chose dans les Cévennes, à l’image de son héroïne passionnée et amoureuse. Le sujet libère ainsi les conflits d’une simple comédie et les richesses d’une grande aventure romantique. Vignal ne souhaite donc pas égarer le spectateur dans le décor, mais dans un portrait, celui d’une femme qui trébuche contre ses attentes et qui se dévoile dans sa quête initiatique. L’inspiration vient à la fois d’un Robert Louis Stevenson rêveur et de vacances inoubliables. Il faudra donc les deux pour que le récit nous propose ce que l’on a parfois du mal à décrocher à la sortie d’une séance, à savoir l’impulsion de l’émotion.


Dès l’entrée, une chorale et une tenue enchantée s’accordent à rendre le romantisme audacieux et gênant. On en tire un profond sentiment de sincérité, celui que l’on conçoit naïvement dans un esprit qui ne pense plus qu’à agir et agir avec désir. Laure Calamy scintille alors en une Antoinette, fidèle à son amant marié. Le problème est rapidement identifié et la réalisatrice détourne malignement ce développement avec humour et un âne sur le gâteau. L’institutrice se lance alors dans une croisade extraordinaire, qui découle de sa fougue, de sa spontanéité et surtout de son excentricité. De ce fait, on insiste sur la caractérisation du personnage et de sa transformation. Ce qui nous intéresse n’est pas la destination d’Antoinette, ni de savoir ce qu’elle cueillera lors de ses randonnées, il s’agira bien du chemin qu’elle empruntera.


Le parcours est parsemé de personnages, marquant des étapes dans une épopée tenant du merveilleux. La subtilité d‘écriture flirte d’ailleurs très souvent avec cette frontière, d’où la présence d’un âne qui offre une cure psychanalytique pour une Antoinette qui avance fièrement, malgré la douleur. L’espace des grandes plaines, des hauts plateaux, c’est le décor anxiogène de la femme libre, mais c’est également son impasse dans le sens où elle s’abandonne à la solitude, chose qu’elle ne supporte pas, chose qu’elle ne maîtrise pas. Son compagnon de route, Patrick, en témoigne et dégage toute la cocasserie touchante que l’on puisse attendre d’un être qui ne demande qu’à être aimé. Sa présence réconforte et sa présence invite à la réflexion, au rythme de nos pas, au rythme de nos peines.


Finalement, il y a toujours un mal pour un bien et « Antoinette dans les Cévennes » s’en empare afin d’y injecter son message d’espoir et d’amour. Tout ne prend pas la forme attendue et c’est bien dans la surprise que le burlesque fonctionne et que le scénario séduit. Les vertus d’une marche lourde de sens, à défaut de peser sur les mollets. Vignal illustre une introspection universelle dans sa description d’un couple et de l’amour qui régit ce dernier. Elle s’y emploie avec une sincérité et une sensibilité, qui ne manque pas détours révélateurs et salvateurs pour une héroïne qui n’as pas à douter ou avoir honte de sa personnalité et de sa féminité.

Cinememories
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2020

Créée

le 27 sept. 2020

Critique lue 397 fois

2 j'aime

Cinememories

Écrit par

Critique lue 397 fois

2

D'autres avis sur Antoinette dans les Cévennes

Antoinette dans les Cévennes
Sergent_Pepper
7

La légère apprivoisée

Alors que le climat est à la dépression généralisée, réjouissons-nous au moins de voir que le cinéma français tente l’aventure des salles et qu’il semble rencontrer encore du public. Sélectionné pour...

le 13 oct. 2020

53 j'aime

4

Antoinette dans les Cévennes
Plume231
7

L'Âne sœur !

Il n'y a pas à dire, la France a des paysages merveilleux. Ce ne sont pas les Cévennes, toile de fond de notre film (c'est comme le Port-Salut... !), qui vont me pousser à dire le contraire. Cela...

le 14 févr. 2021

45 j'aime

3

Antoinette dans les Cévennes
Behind_the_Mask
5

Montée comme un âne

Toute rentrée digne de ce nom a besoin de sa petite comédie à succès. Rendez-vous compte, Antoinette et son âne ont déjà fait marcher plus de trois cent cinquante mille spectateurs. C'est ce qui...

le 3 oct. 2020

31 j'aime

4

Du même critique

Buzz l'Éclair
Cinememories
3

Vers l’ennui et pas plus loin

Un ranger de l’espace montre le bout de ses ailes et ce n’est pourtant pas un jouet. Ce sera d’ailleurs le premier message en ouverture, comme pour éviter toute confusion chez le spectateur,...

le 19 juin 2022

22 j'aime

4

Solo - A Star Wars Story
Cinememories
6

Shot First !

Avec une production et une réalisation bousculée par la grande firme que l’on ne citera plus, le second spin-off de la saga Star Wars peut encore espérer mieux. Cela ne veut pas dire pour autant que...

le 23 mai 2018

19 j'aime

2