Réception moyenne pour un film chinois traitant d'un sujet qui me passionne depuis une quinzaine d'années, la fuite de l'armée nationaliste (Kuomintang) menée par le général Tchang Kaï-chek à Taïwan après sa défaite contre les troupes communistes de Mao et la formation d'une unité sociétale sur l'île avec toutes les dépendances et différences que cela peut supposer vis-à-vis de la Chine continentale. "Apart Together" aborde ce sujet épineux sous un angle très intimiste, celui d'une séparation de deux personnes qui aura duré 50 ans : Qiao Yu’e et Liu se sont perdus de vue en 1949, alors que la première était enceinte et le second contraint à l'isolement sur l'île par décret officiel. 50 ans plus tard donc, Liu peut enfin la rejoindre à Shangai et lui propose de revenir vivre avec lui, après toutes ces années. Le problème étant que Qiao Yu’e a refait sa vie en grande partie, a un nouveau mari, de nouveaux enfants, et une nouvelle existence.
À travers cette situation pétrie de contraintes, Wang Quan'an entend observer avec beaucoup de pudeur les conséquences d'une telle irruption, avec cet homme sur le retour provoquant des réactions assez diversifiées au sein du foyer de la femme. Beaucoup de troubles, de rancœur, de surprise aussi. Le film revêt la forme d'une chronique familiale, essentiellement centrée autour de la salle à manger, la cuisine et la nourriture formant clairement le centre névralgique des interactions, des engueulades comme des règlements de compte. Le film n'atteint malheureusement pas des sommets de mélodrame émouvant, tout en parvenant à rendre compte d'une situation complexe et conflictuelle avec beaucoup de subtilité. L'opposition entre Chine et Taïwan n'est en définitive pas du tout le point focal.
Un peu trop de légèreté à mon goût dans la description des intentions de l'homme qui revient, comme s'il n'avait pas du tout imaginé que sa femme ait pu tracer sa route et refaire sa vie, en l'espace de 50 ans... Par contre la légèreté avec laquelle est traitée la sorte de ménage à trois est originale, dans la façon d'esquiver les conflits et de dépeindre des situations embarrassantes. Un point noir parmi d'autre porte sur le comportement du fils, un peu trop "forcément" braqué suite au retour du père. La définition d'un film sage, au sens de l'académisme, et un peu anodin sur le questionnement du renouveau, sur la nécessité de tourner la page, malgré quelques passages attachants — c'est le cas de la démarche de divorce qui se solde... par un mariage à cause de souci administratifs. L'homme repartira seul, dans l'espoir d'un changement futur. Belle image mélancolique, pour le coup, de ce qui n'a pas été et qui ne sera peut-être jamais.