Un aviso peuplé de jeunes américains cherchant à comprendre ce qu'ils foutent au Vietnam remonte le Mékong, du delta jusqu'au Cambodge. Tout ça dans le but d'assassiner le colonel Kurtz, un officier américain modèle qui a perdu la tête, selon les critères de la bien-pensance. La métaphore d'un chemin conduisant inexorablement nos personnages jusqu'en enfer est assez évidente, tout comme l'est la comparaison avec le Styx.
Ce voyage vers l'enfer commence par une apocalypse. Dès l'attaque d'un village vietminh sur le delta par la division aéroportée de ce taré de colonel Kilgore. Une attaque qui tourne au massacre, puis à l'apocalypse avec un bombardement de napalm. Cette bataille marque aussi la mort du bon sens, matérialisée par le désir absurde de colonel Kilgore de faire du surf alors que les vietminh bombardent encore la plage. Ce n'est pas encore la mort de l'humanité, Kilgore lui-même montre quelques traces de compassion. Néanmoins on sent déjà que l'Homme se rapproche dangereusement de l'animal.
La première étape du voyage a lieu dans un entrepôt de l'armée qui semble bien éloigné des préoccupations de la guerre. Qu'est-ce qu'on sait ici de ce village qui vient d'être anéanti en aval du fleuve? Qu'est-ce qu'on sait de la situation désastreuse des troupes américaines en amont? Rien semble t-il. Ici on attend avec impatience le show des playmates qui viennent distraire les troupes. Un show qui tournera à l'émeute, mettant en lumière la bestialité de ces hommes perdu dans la jungle depuis trop longtemps déjà. Après cette étape l'Homme a perdu encore un peu de son humanité.
Le voyage continue et fait de nouveau étape dans un campement américain, cette fois sans commandant, où les hommes n'ont pas d'autre but de survivre et tuer le temps. Puis encore plus loin un poste américain protégeant un pont constamment attaqué et régulièrement détruit. Toujours pas d'officier commandant, les officiers sont dans les bureaux de Saïgon ou de Nha Trang, ou pire à Washington ou à Beverly Hills. Les soldats sont livrés à eux-mêmes et tiennent leur poste par obligation en attendant la fin de leur service. Ceux qui essayent de faire quelque chose ne savent pas quoi faire et tirent frénétiquement à la mitrailleuse sur des cibles invisibles.
Notre aviso fait une halte salutaire dans une plantation tenu par des français refusant de céder au vietminh. Petit ilot de civilisation dans cette guerre, animé par des débats houleux mais démocratique. C'est ça la France, des mecs qui se tapent entre eux mais qui se mettent d'accord pour taper sur les autres.
Mais qu'en est-il de la mission dans tout ça. Ce n'est qu'un prétexte. Il n y'a pas de colonel Kurtz. Le colonel Kurtz c'est la guerre, avec toute sa folie, son absurdité, et sa démesure. Le capitaine Willard l'admire autant qu'il la déteste. Il a eu l'occasion de rentrer au pays entre deux missions, mais il n y'a plus de pays. Pour lui il n y'a plus que la guerre, c'est devenu son chez lui, pourtant il n'en veut plus. Ce n'est pas une mission pour la CIA qu'il mène, c'est un conflit intérieur qu'il doit résoudre en décidant d'en finir ou non avec le colonel Kurtz/la guerre.
Apocalypse Now est un chef d'œuvre, de la photographie à la bande son tout est réussi. Le seul défaut de ce film, mais qui est d'importance, c'est le manque de profondeur des personnages secondaires, en particulier le personnage de Clean (Laurence Fishburne) qui est inintéressant, et Chef (Frederic Forrest) que je n'arrive pas à cerner. De plus les relations entre les personnages ne sont pas toujours clair. Il s'apprécient, il se détestent, il se supportent le temps de la guerre, tout ça est fluctuant d'un moment à l'autre sans qu'on comprenne pourquoi. Parler de "compréhension" pour un film comme celui-ci est très malvenu, j'en suis conscient, mais je trouve simplement que les personnages sont bâclés. Ce qui n'est pas le cas de l'esthétique qui peut mettre une bonne claque à n'importe quiet contribue à faire de ce film une œuvre culte.