Il paraît que plus c'est long, plus c'est bon... N'empêche que j'ai souvent du mal avec les films de 3 heures ou plus ; mais pas au point de ne pas m'essayer à la version longue d'Apocalypse Now (3h15), sur laquelle je vais me baser ici...
Fort de ses précédents succès mafieux, Francis Ford Coppola prend donc ses clics et ses clacs, direction le Vietnam, pour adapter librement la nouvelle de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, et réaliser ce qui deviendra très certainement le film de guerre le plus culte de l'histoire du cinéma. Pas mon préféré cependant. "This is the end..." C'est sur les paroles et la musique du non moins culte dernier morceau de l'extraordinaire album éponyme de The Doors que débute Apocalypse Now... Et ça n'a rien d'un hasard ; le capitaine Willard, incarné par un laconique et torturé Martin Sheen, prenant vite acte de sa périlleuse mission : retrouver et empêcher de nuire le colonel Kurtz - installé derrière la frontière vietnamo-cambodgienne - qui aurait semble-t-il reçu un gros pète au casque, à la tête d'une armée de rebelles...
Des dégradés célestes d'orange, de tapis verts, de fange et de sang, théâtres tropicaux du vol d'anges de la mort, ces mécaniques tourbillonnantes à la gâchette facile feront le fabuleux spectacle vietnamien d'une guerre de l'inutile - comme sauront si bien l'expliquer ensuite les alliés français autour d'un dîner mouvementé - où les vagues de bombardements et de napalm n'auront d'équivalent que la puissance de celles d'un spot de surf surréaliste. La guerre rend fou. Et il en suffit d'un, aux commandes et impassible, pour mettre en danger tout un escadron. Le spectateur, lui, jubile.
C'est ainsi, la guerre rend fou, alors quoi de mieux pour le moral des troupes que d'organiser une petite sauterie sponsorisée et approvisionnée par le magazine Playboy ? Trois playmates pour une meute de jeunes loups affamés, les débordements ne sont jamais loin. Le capitaine Willard, stoïque, ne bronchera pourtant pas. Mais sa générosité permettra à la poignée d'hommes de son équipage de troncher en échange de deux barils de diesel. L'affaire terminée, le temps presse, et il faut remonter la rivière jusqu'au Cambodge, et la route sera longue, très longue, un peu ennuyeuse parfois... C'est pourquoi Willard ne tolèrera pas que son groupe se détourne du chemin le plus court, la ligne droite, sachant bien le lui faire comprendre.
La fameuse rencontre avec les français et le dîner dans leur plantation, absente de la version originale, cassera quelque peu un rythme déjà pas au mieux à ce moment du film, mais elle s'avèrera aussi particulièrement intéressante sur le plan historique. Cette guerre se trouvera enfin remise dans son contexte, avec la vision des français - et de leur colonialisme exacerbé - précédemment envoyés au casse-pipe par leurs politiciens à Dien Bien Phu. Les frenchies auraient eu selon eux une bonne raison de la faire, leur guerre, au contraire des ricains, qui de surcroît auraient eux-mêmes créé leur propre monstre : les vietcongs.
Une pipe, ou bien deux... Et le capitaine Willard, accompagné de ses hommes, repartira et arrivera enfin dans l'antre du mal et de la folie, après avoir essuyé une pluie de joujoux, parfois très piquants. Une arrivée apocalyptique stupéfiante - grand moment de cinéma s'il en est - où gourou Kurtz (charismatique Marlon Brando) semblera perdre pied, entouré de sa bande de néo-hippies plus ou moins autochtones... Le séjour shamanique sera long, rude et intense pour Willard, la philosophie mystique pas toujours convaincante, mais il ne faut pas juger... "L'horreur."
Et le capitaine, malgré la tournure des évènements, ne voudra pas être roi.