Étranger aux querelles de versions, je me dirigeais après un périple en bus vers une salle confortable et spacieuse pour redécouvrir de bon matin un éminent film de guerre dans les meilleures conditions possibles. J'aurais bientôt la surprise de découvrir que je suis seul dans cette impressionnante salle, seul face aux bruits obsédants des hélicoptères, seul face à l'incendie qui s'annonce, seul face à l'odeur du napalm au petit matin, il n'était que 10 heures quand retentit le mythique :
This is the End
Beautiful friend
This is the end
My only friend, the end
Of our elaborate plans, the end
Of everything that stands, the end
No safety or surprise, the end
I'll never look into your eyes...again
https://m.youtube.com/watch?v=CIrvSJwwJUE
Cette introduction magistrale est l'une de mes scènes préférées du cinéma, mais le film regorge d'autres scènes cultes comme la scène du surf, la chevauchée des walkyries ou encore la scène du ski nautique et de la danse sur I can't get no satisfaction ! Cultes, elles le sont par leur décalage comique entre l'enthousiasme des jeunes à faire la guerre et l'horreur des actes perpétrés au quotidien. Cela retranscrit bien cet état d'esprit d'aventure et d'euphorie parfois ressenti par les jeunes soldats qui quittent leur environnement pour une vie qu'il croit palpitante, et cela est parfaitement joué par Laurence Fishburne et ses autres compagnons d'infortune.
Portrait d'une Amérique au vitriol qui fait la guerre comme elle irait au casino.
À ce titre, Martin Sheen dans le meilleur rôle de sa vie joue le rôle d'observateur discret de cet étrange spectacle qui se joue devant lui. On peut supposer qu'il est déjà le plus fou car le plus lucide et le moins inscouciant sur la réalité de la guerre. Sa voix-off de narrateur, bien qu'un peu trop grave, résonne par son aspect intimiste, sorte de voix intérieure qui reste dans la simplicité pour toucher. Finalement, ce personnage est ambigu, et c'est toute sa force car Willard est un être réservé qui n'extériose pas ses émotions, à moins qu'elles ne soient anesthésiées par la douleur.
Réflexion nébuleuse sur la folie, tantôt exhaltée, tantôt tapie dans l'ombre.
J'avais bien sûr déjà plusieurs fois Apocalypse Now dans sa version première, et j'avais toujours été déçu par la fin. Cette fois-ci, j'ai compris que la fin ne comptait pas en tant que telle, mais c'était le voyage initiatique de Willard qui était puissant, tout cette observation hébété de son environnement, tout ce questionnement sur le pourquoi de la folie d'un colonel qui ne devient fou qu'après tant de guerres et de médailles militaires, sur l'absurdité d'une accusation de meurtre et de cruauté en ces temps de guerre barbare.
Y aurait tant de choses à dire sur ce film, mais le principal est que l'expérience sur grand écran vaut le coup, surtout dans la grande salle dans laquelle j'étais, avec un son puissant et immersif, ce qui retranscrit bien tous les sons traumatisants de la guerre. Le film m'a semblé bien restauré au niveau de l'image, et les scènes de guerre m'ont beaucoup impressionné par leur virtuosité esthétique et technique comme celle du pont, ou de l'arrivée
sur la plage, qui nous plongent dans l'univers bruyant et inhumain de la guerre, dont on ressort groogy et tout chose, presque coupable et confus de vivre en paix.