Résumé
Une dénonciation intéressante de la guerre mais une esthétisation excessive qui prend le pas sur un propos trop souvent cryptique.
Détails (et spoilers)
Au delà de sa longueur, cette version est surtout très inégale. Les scènes de batailles sont impressionnantes, la jungle superbement filmée et le travail sur l'esthétique est grandiose. En termes de réflexions politiques, il y a bien évidemment cette réplique culte sur l'odeur du napalm, et cette séquence plutôt intéressante chez les Français·e·s, mais l'ensemble reste assez décevant. Car si l'esthétisation parfois excessive peut encore se défendre sur la plupart des scènes, le manque de profondeur intellectuel du film est sans aucun doute son gros défaut.
Pas besoin d'être un grand sage pour percevoir le point de vue critique sur la guerre au Vietnam, la mise en scène de l'horreur et de la folie; mais la critique politique est limitée, et nous assistons plus à une critique de la guerre qu'à une critique de l'armée. Comme si la guerre était une entité autonome, désincarnée, rendant folle les soldats au point de les transformer en mystique gourou d'une tribu établie en pleine jungle.
Et c'est d'ailleurs cette longue séquence finale qui vient gâcher un film jusque là plutôt correct, et faut-il le rappeler, très bien réalisé. Après deux heures de film, alternant entre les codes du thriller, du film à suspense et du film de guerre, il était tout à fait possible de faire de l'intriguant colonel Kurz un personnage donnant une ampleur supplémentaire au métrage. Mais, loin de là, derrière des jeux d'ombres, certes réussis, ce colonel Kurz n'est qu'une cerise d'aigre déception sur un gâteau aussi splendide que fade.
Nous livrant ainsi un pur cliché du poète cryptique, dont les paroles pseudos philosophiques ne servent qu'à amplifier le stéréotype du guerrier devenu fou. Pire, son statut de gourou d'une tribu interroge quant à la représentation fantasmée d'une telle organisation sociale. S'il est évidemment possible d'user de la fiction pour dépasser le réel, je ne trouve pas beaucoup d'intérêt à développer ce genre d'images que l'on pourrait facilement qualifier de vision coloniale.
Enfin, on pourra constater avec regret l'usage assez ambiguë des playmates - dont on comprend l'objectivation par les soldats tout en insistant lourdement sur une sexualisation qui finit par devenir une manière de les sexualiser une seconde fois plus que d'en dénoncer les travers. Mais surtout, l'absence quasi totale des vietnamien·ne·s durant les 3h13 révèle une vision très occcidentalo-centrée du conflit. Ce qui assez perturbant pour un film qui prétendait incarner le Vietnam.
5.25/10