Mel Gibson nous offre dans Apocalypto un sublime moment de spectacle. Entre la langue des acteurs (une reconstitution approximative de la langue maya), leurs tenues, leurs ''piercings'' et leurs scarifications, je me suis demandé pendant les 5 premières minutes si je ne regardais pas un documentaire.
Les deux intrigues, d'une part, la survie des habitants dont Patte de Jaguar lors de l'attaque de leur village et, d'autre part, la tentative de Patte de Jaguar de protéger sa compagne enceinte et son fils, se mêlent imperceptiblement si bien qu'il n'est pas possible de qualifier l'une de principale. Les scènes de combat sont d'un réalisme époustouflant ; mention spéciale pour les ruses de Patte de Jaguar qui tuera la majorité de ceux qui l'ont pris en chasse, y compris leur chef.
Apocalypto embrasse des thèmes traditionnels - la guerre, la survie, la fertilité, la paternité, la maternité - avec d'autant plus de force qu'il se dispense de toute intervention narrative et que le récit semble se dérouler d'une traite, sans ellipse temporelle. Le point de vue est externe, dirais-je avec mes vieux cours de littérature. Le village de Patte de Jaguar se fait décimer par un autre groupe. Ce dernier ne semble pas être en supériorité numérique lors de leur attaque, ne s'accorde pas vraiment l'avantage de la surprise, ne compte que peu de pertes dans ses rangs, et leur apparence physique est plus impressionnante - notamment les décorations sur leurs corps sont beaucoup plus voyantes. Cela laisse penser qu'il s'agit d'une groupe plus puissant et qu'ils ont remporté la victoire contre le village de Patte de Jaguar loyalement.
La compagne de Patte de Jaguar fera tout pour protéger son enfant déjà né et celui qu'elle porte. Son accouchement, bien qu'arrivant à un moment cinéma-compatible, est plutôt cohérent compte tenu du choc qu'elle a reçu juste avant. Dans la même thème, la réplique qui revient "Mon père a chassé cette forêt avant moi, et mes fils le feront après moi" rappelle l'objectif historique de la vie : sa répétition à l'infini. On appréciera la pirouette stylistique par laquelle une phrase invitant à la perpétuation de soi est, elle-même, répétée à plusieurs reprises.
Le film se termine en apothéose : alors que Patte de Jaguar est une cible immanquable, la chasse s'interrompt. Les trois hommes découvrent des colons arrivant par bateau, avec une apparence radicalement différente de celle de tous les personnages jusqu'à présent. Les trois hommes arrêtent immédiatement leur jeu morbide de proie / prédateur et comprennent que leurs querelles entre groupes concurrents sont devenues secondaires. Les colons sont, à raison, présentés comme l'ennemi commun.
Apocalypto peut prêter à confusion : son aspect documentaire suggère une réalité historique à l'intrigue, alors qu'elle est sans doute limitée. Ce n'est pas une raison pour ne pas regarder cette oeuvre unique qui invite à un retour aux fondamentaux.