Je l'ai revu il y a peu (douloureusement en VF, merci France 2), et j'ai eu envie d'écrire un petit truc dessus.
Parce que je trouve que ce film possède de nombreuses qualités, malgré ses évidents défauts.
Déjà, la photographie de ce film s’avère magnifique. La lumière est belle, dorée et diffuse. Les images sont lisibles, les éclairages subtils. Mais plus important encore, la mise en scène. Le choix des plans larges, des grands angles, montrent le désir d’Ed Harris de vouloir faire un film beau, posé et calme. Certains plans ressemblent à des photographies, je pense notamment à des inserts, un lever de soleil par-ci, une rue par là. Les gros plans sur les acteurs sont choisis et viennent quand il faut. On est pas dans un champ/contre-champ intensif, et désormais habituel, de plans rapprochés pendant les scènes de dialogues.
Je dois dire que cet aspect là m’a énormément plu, car ça correspond à mes goûts, les grands plans larges fixes, bien cadrés, où les personnages évoluent sans coupure. Ca m’a vraiment donné envie de l’acheter en blu-ray rien que pour ça.
Ensuite de ça, le duo d’acteurs, Ed Harris et Viggo Mortensen. Que je trouve justes, intègres et sobres. Je parle à la fois des personnages et de leurs interprètes. La complicité qu’ils entretiennent est discrète et humble. Mention spéciale aux quelques repas où Viggo et Ed échangent des regards et des sourires entendus. Leur jeu est impeccable.
Je garde Renée Zellweger pour toute à l’heure…
Même si on est rarement déçu par les décors et les costumes dans les western, je trouve ceux-ci particulièrement réussis. Notamment les vitres, si vous faites bien attention elles sont toutes ondulées, floues, comme les vitres anciennes soufflées devraient l’être. Je pense également à cet intérieur bleu de la chambre dans le village à l’ambiance mexicaine, que j’ai trouvé à tomber par terre. Aussi, l'élégance globale des costumes mais aussi les détails, comme par exemple le renfort de cuir à l’épaule droite sur la veste de Viggo, qui est sencé amortir le recul du fusil (exceptionnel en lui-même par ailleurs), est un détail plaisant. Et puis le train à vapeur, c’est beau d’en avoir encore en parfait état comme ça.
Dernière chose que j’adore tout simplement : les scènes de confrontation. Je vais vraiment insister sur ce point car pour moi c’est primordial. La vitesse des scènes d’échanges de tirs est brutale et réaliste. Il n’y a pas deux heures de gros plans sur les mains, les yeux, les gouttes de sueur, l’aigle qui tournoie dans le ciel, les chaussures dans la poussière, le revolver…etc. Non, c’est rapide, efficace et mortel. C’est exactement ce que je ferais si je réalisais une scène de tir. Des mecs se regardent, se toisent, et avant qu’on ait pu inspirer, les corps tombent. Un grand angle, un ou deux plans fixes et bam.
En dépit de ces qualités indéniables, le film manque de quelque chose. Quelque chose cloche. Côté scénario, il y a quelque chose qui ne va pas. La femme, vous me dites ? Quelle femme ? … AH ELLE ?!
Tout se passe bien dans le film, quand un train arrive. Là, un évènement inattendu fait sa rentrée sur scène, une femme descend du train. Elle est moche, elle est mal habillée, elle sourit, elle est heureuse de vivre, oui c’est une connasse.
Ed Harris fait le choix très, mais alors très regrettable d’introduire un troisième personnage au sein d’un duo qui marchait plutôt bien. Une femme au milieu de deux hommes. Pardon, je la refait. Une femme moche au milieu de deux hommes. Un personnage féminin, et c’est désespérant de le dire, écrit avec les pieds. Un personnage qui va chercher à diviser les deux compagnons, qui va jouer avec l’amour de l’un, faire croire des choses à l’autre, qui va se montrer faible et/ou opportuniste… Bref, un rôle de merde. Un rôle d’éternelle femme dépendante (et foncièrement débandante), sous l’emprise des hommes et du statut social, qui ne pense qu’à sa maison, ses robes et qui fait semblant de jouer du piano et de se préoccuper de la vie d’un marshal qui tue pour vivre.
Il faut dire que la VF ne fait qu’empirer ce rôle affligeant avec une voix à la limite du supportable.
A partir de là, le film oscille entre scènes de western typiques et bateaux (la scène du train, l’emprisonnement, la revanche, l’attaque d’indiens…) et scènes à la con avec ce personnage interprétée par la douce et jolie Renée Zellweger.
Quelques mots sur sa performance.
Un sourire effrayant et figé qui ferait rougir le Joker pendant les trois quarts du film, un visage qui ressemble à un masque de cire encadré d’une fausse perruque immonde. Un jeu avec le minimum syndical, avec seulement les scènes de repas où elle se rattrape un peu. On regrettera même de voir son cul blanc.
Le deuxième rôle féminin, tenu par Ariadna Gil (la femme de Viggo dans la vie, bah ouais on va pas se faire chier non plus), est également sans parfum. Un rôle de prostituée latine complice comme on en a vu des milliers.
Côté intrigue, les méchants bandits menés par Jeremy Irons sont tout de même un peu trop disciplinés, et ne bronchent pas d’un poil quand leur maître leur ordonne. Vite remplacés par un duo de malfrats arrivés d’on ne sait où, qui représentent eux aussi le cliché des traitres, le film s’égare entre scènes diverses et mélangées, sans surprises. Ah oui, également le jeune homme qui dénonce, la scène du tribunal… Ca me saoule. Mais je ne dis pas qu’il n’y a pas de bonnes idées, c’est même le contraire, par exemple la scène où Viggo offre le cheval aux indiens, que je trouve silencieuse et belle.
En restera quand même une fin que j’aime bien, même si trop rangée et annoncée.
Je tirerai donc mon chapeau aux efforts d’Ed Harris pour avoir voulu faire un western classique et sobre, en privilégiant une mise en scène épurée et élégante, porté par une amitié entre deux hommes discrète et vraie. Mais je n’hésiterais pas à lui retourner une baffe dans la figure pour son intrigue lourdasse et ces personnages secondaires insignifiants, et son désir irrépressible de s’inscrire dans la longue lignée des western beaucoup trop traditionnels.
Sorry Ed.