Turturro réalisateur semble ici réaliser un rêve d'acteur qui lui tenait à cœur :
1) jouer dans un film de Woody Allen (ou, ce qui est presque pareil, avoir un premier rôle dans un film avec Woody Allen, qui ressemble à un film de Woody Allen),
2) incarner l'homme idéal selon les clichés véhiculés par les magazines féminins.
Son Fioravante, en plus de posséder un nom mystérieux et poétique, est à la fois viril et sensible, parle italien, français, espagnol, portugais, aime les fleurs, la littérature, la musique, est un expert en tango, en massage et en cuisine, se révèle une bête de sexe infatigable mais sait se montrer patient et doux avec les femmes blessées par la vie. Ajoutons à cela qu'il garde toujours l'ascendant sur ses clientes - gigolo oui, soumis, non ! - et commande lui-même le déroulement des opérations, décidant du moment où il faut danser / se déshabiller, etc.
Bien entendu, en tant que gigolo sa clientèle ne se compose que de mannequins (à l'exception peut-être d'une femme un peu enveloppée - quelle audace !)
Turturro prend manifestement beaucoup de plaisir à cet exercice de style narcissique, laissant la caméra mettre en valeur ses yeux caramel, sa bouche sensuelle et son regard intense. Magie du cinéma : John Turturro devient incroyablement sexy ! C'est vrai que ni 'Barton Fink', ni 'O'Brother', ni 'Do the right thing' ne laissaient deviner cette facette de l'acteur.
Petit problème : ce postulat ruine tout le potentiel comique du film. Il n'y a rien d'incongru dès lors à imaginer Fioravante en gigolo. Il ne met pas longtemps d'ailleurs à assumer ce rôle et ne montre pas l'ombre d'une hésitation sur le protocole lorsqu'il s'agit de faire craquer Sharon Stone. Le titre français se révèle extrêmement mensonger : il ne faut pas s'attendre à une comédie où un type quelconque enchaîne les gaffes au lit avec des clientes attendant mieux.
Par conséquent, Fioravante étant le gentleman dont toutes les femmes sont censées rêver, on ne croit pas une seconde au dénouement du film (que je ne spoilerai pas). Bon, de toute façon, qu'on puisse tomber amoureux de Vanessa Paradis, qui ressemble ici à s'y méprendre à ET, me paraît déjà peu crédible, alors j'imagine que je ne suis pas bon public.
Autre problème, et de taille : on dirait que le film n'est qu'une broderie autour de la bande-annonce. En gros, tout ce qui n'est pas dans la bande-annonce n'a aucune utilité dramatique. Trop de remplissage ! Le must étant l'enquête policière menée par un membre du neighborhood watch hassidique, et le procès de Woody : quel ennui !
Bon, pourquoi 6 et pas 2, alors ?
Parce que malgré toutes ces raisons de trouver le film incongru et inabouti, j'en ai souvent apprécié le visionnage. New-York en automne au soleil couchant sur un fond de jazz, ma foi, c'est toujours bien agréable. Woody s'avère quand même assez irrésistible en époux d'une mama black prénommée Othella. Et, même si je pense que John Turturro réalise ici un fantasme narcissique assez délirant, je reste très fan (oserais-je dire "cliente" ?) de cet acteur atypique.