De Stargate à DC, Atlantis forever !

APRÈS SÉANCE


La construction de l’univers cinématographique DC est un peu comme l’état de nos océans : dégueulasse… Et ça fait un peu de peine à voir que les productions DC/Warner seront toujours dans l’ombre de Marvel/Disney. Et ce, malgré un univers et des personnages tout aussi riches (voire plus). Mais il faut se rendre à l’évidence, le DCEU galère à proposer des films corrects, à trouver son ton au cinéma, et à faire du flouze au box-office. La maison de Batman a bien quelques succès à son actif, notamment Wonder Woman qui à mon sens ne le mérite pas du tout, mais rien de comparable à l’écurie adverse.


Le DCEU est né de la vision d’un seul homme : Zack Snyder, d’ailleurs réalisateur de Man of Steel et de Batman V Superman, les deux pierres fondatrices de cet univers cinématographique, voulu mature et sombre. Suite aux rejets quasi unanimes de ces deux films, et au tournage catastrophique de Justice League, tant sur le plan professionnel que personnel, le cap a incontestablement changé. Avec Aquaman et la sortie prochaine de Shazam!, nous vivons la marvelisation de l’univers DC Comics. Et, j’ai presque envie de dire malheureusement, ça fonctionne…


Arthur Currry est Aquaman, né de l’amour entre Atlanna, la reine du royaume d’Atlantis, et de Tom, gardien de phare dans le Maine. Après les événements de Justice League, Aquaman vaque tranquillement à ses occupations, entre sauvetages de sous-marins russes et tournées des bars. Mais à Atlantis, le demi-frère aryen d’Aquaman, premier héritier au trône, projette d’attaquer la Surface ! Sa promise, Mera voit alors en Arthur et en son métissage, les derniers espoirs d’une paix entre les deux peuples.



SUR LE FOND : 7 étoiles



Faisons alors le deuil du Knightmare et de tout cet univers ténébreux, que vaut Aquaman dans ce qu’il a la prétention d’être, c’est-à-dire un film d’action cool et fun ? Eh bien c’est plutôt réussi ! Pour prendre le contre-pied du MCU, le DCEU avait décidé de faire la plupart des films perso après le film d’équipe. Le film sert alors une bonne origin’ story, pas très originale mais plutôt efficace. Pour bien marquer la rupture avec les films précédents, les événements de Justice League ne sont quasi pas mentionnés (seulement Steppenwolf ultra-brièvement) et aucun autre justicier n’est invité à la fête. Après le parasitage intempestif d’Ironman dans Spider-man : Homecoming, ce n’est peut-être pas plus mal…


Ça ne m’enchante pas d’analyser Aquaman à travers le prisme de ce qui se fait chez la concurrence. Mais avec la cité cachée, la technologie avancée, et la bataille pour le trône, le parallèle avec Black Panther est inévitable. L’hippocampe n’a pas à rougir face au félin, Aquaman est bien plus complet, moins binaire et propose une vraie quête à la manière d’un Indiana Jones. Il y a de l’action, du rythme, et on voyage autant sur terre que dans la mer. Faut dire que l’univers proposé est riche, bien développé. Autant dans Black Panther, le Wakanda faisait fake, vide et sans âme, autant Atlantis est hyper crédible et fourmille d’atlantes et d’animaux. J’ai trouvé aussi super ingénieux de créer différentes tribus selon la mer ou l’océan occupé avec des évolutions, des développements différents. Et c’est seulement en tapant ces lignes que je me rends compte qu’il y avait également différentes tribus dans Black Panther… No comment.


Le développement des thématiques est lui-aussi à l’avantage de la production DC. Black Panther portait essentiellement sur la transmission et le renfermement sur soi, là où Aquaman parvient à traiter des sujets un peu plus nobles comme la tolérance ou l’écologie. Je ne dis pas que le film vole toujours haut ou que c’est toujours fait avec beaucoup de finesse, loin de là. Mais c’est quand même autre chose. Je m’arrête là sur la comparaison avec Black Panther, vous l’aurez compris : A mon sens, Aquaman domine avec un sale 3-0 !



You think you're unworthy to lead because you're of two different worlds ? But that is exactly why you are worthy !



La grande majorité des personnages d’Aquaman sont plutôt bien écrits. Jason Momoa est probablement ce qu’on pouvait faire de plus bad’ass avec Aquaman, c’est-à-dire à la base un blondinet qui chevauche des hippocampes… Un peu trop bad’ass peut-être lorsqu’il résiste dès les premières minutes à une centaine de balles et de grenades sans même avoir la barbichette brulée ? Je ne savais pas que les armes terrestres ne faisaient rien à Aquaman. Assez étonnant puisqu’il est tout de même à moitié humain… Et puis, comment a-t-il pu se faire tatouer si même un calibre 45 ne peut l’égratigner ? Bref, dans Justice League déjà, Aquaman était bad’ass, et brillait par son côté blasé alcoolo et son capital lolilol. L’occasion de digresser sur le ton d’Aquaman qui s’est substantiellement et ostensiblement marvelisé ! La plupart des scènes tendues ou d’action sont directement désamorcées par des blagounettes au niveau des pâquerettes… Blague de pipi, tête dans la cuvette, ce genre de niveau quoi… Au vu du box-office, c’est un pari gagnant pour la Warner, mais si DC a clairement vendu une partie de son âme.


Le film propose non pas un, mais deux bad guys ! Et pas des moindres puisque Ocean Master (Patrick Wilson) et Black Manta (Yahya Abdul-Matten) sont les deux principaux antagonistes de l’atlante dans les comics. Le second est assez mal exploité mais avec la scène post-credits, on comprend que l’idée était avant tout de développer un peu le personnage pour pouvoir l’utiliser vraiment dans un hypothétique Aquaman 2 (Jason Momoa ayant signé pour quatre films). De son côté, Orm/Ocean Master est l’archétype parfait de l’arien. Blond, yeux bleus, surentrainé, à la recherche de la lignée parfaite, du sang pur… La caricature est presque gênante, mais le personnage est bien développé et ses motivations sont plutôt louables. Toutefois, l’alliance des deux méchants n’est pas très cohérente. On comprend bien qu’Orm se sert de Black Manta pour mettre les autres tribus d’Atlantis de son côté, mais les motivations de la grenouille pour aider Orm sont un peu plus floues. Il ne tirerait aucun avantage à une guerre entre les atlantes et les surfaciens, j’imagine que sa seule motivation est alors la vengeance.


La vraie faiblesse en termes de personnages se trouve dans l’entourage proche d’Aquaman. Déjà, Atlanna (Nicole Kidman) n’est pas un intéressante malgré la réécriture, dans les comics la reine d’Atlantis abandonne en effet son rejeton avant qu’il soit recueilli par des dauphins. Dans le film, celle-ci est présumée morte sans y croire une seule seconde. Décidément, 2018 aura été l’année des retrouvailles de vieille mamans perdues. Après la mère Pym sauvée de la dimension quantique dans Ant-man and the Wasp, c’est au tour de maman poisson d’être retrouvée après une trentaine d’années d’errance solitaire. Les deux daronnes sont entourées d’autant de mystère : Comment la reine Atlanna a-t-elle survécu ? En mangeant des poissons ? Aparté éthique : les atlantes mangent-ils des poissons ? Mais le vrai gros blobfish du film concernant l’écriture des personnages est Mera (Amber Heard). Le point zéro de l’originalité, c’est la caricature du love interest qui est au début du film avec le méchant qui gagne, et qui est à la fin avec le gentil qui gagne…


Dans l’entourage d’Aquaman, Vulko sauve un peu la donne. Pas que la prestation de Willem Dafoe soit exceptionnelle, loin de là. Mais ce personnage est en réalité le seul lien entre le présent et le passé. Et c’est d’ailleurs un point qui est très bien mis en valeur dans la réalisation. La quasi-totalité des scènes où Vulko intervient font des allers-retours entre présent et flashbacks grâce à des transitions en fondu très bien pensées et très fluides. L’occasion de passer à la forme !



SUR LA FORME : 8 étoiles



Début du XXIe siècle, Gotham se dévoile dans Batman Begins, Metropolis dans Superman Returns, il est alors question en 2004 de représenter Atlantis et son héros au cinéma. Mais ce n’est que 10 ans plus tard que le projet se concrétise avec l’annonce de Jason Momoa en rôle-titre et de James Wan derrière la caméra. Un choix surprenant car le bonhomme est, à cette époque, surtout connu pour avoir écrit et/ou réalisé des films d’horreur de qualité comme Saw ou Insidious. Entre temps, James Wan a pu faire un tour d’échauffement dans le blockbuster de divertissement avec Fast and Furious 7 (une saga que j’ai personnellement lâchée très tôt, après Tokyo Drift…).


Capable de sublimer des projets low-cost (les budgets de Saw et Insidious étaient de respectivement de 1,2 et 1,5 millions de dollars), James Wan est un réalisateur qui met l’accent sur sa mise en scène, son cadrage et sur les placements de sa caméra. Dans Aquaman, celle-ci est très libre, très flottante, notamment dans les scènes « sous-marines ». Et c’est évidemment une manière de filmer qui fait sens avec le contexte du film. La caméra est en perpétuel mouvement, privilégiant par exemple un travelling circulaire pour filmer une discussion plutôt qu’un trop traditionnel champ/contre-champ. Ces travellings permettent en plus à James Wan de réaliser des transitions très fluides entre des séquences se déroulant dans le présent et des flashbacks, comme lors de l’entrainement avec Vulko ou la discussion sur la falaise sous-marine. La fluidité est réellement un élément qui m’a marqué dans ce film, et ce dès les premières minutes lorsque nous passons par le biais de la boule à neige à un plan sur le véritable phare gardé par Tom Curry.


Par pure poésie, ou pour aider au développement du film, la réalisation de James Wan est parfois aussi au service de l’action comme lors de cette scène sur les toits de Sicile. Un très beau plan-séquence traversant murs, portes et fenêtres. D’ailleurs, Aquaman est globalement un film beau, et notamment visuellement malgré la forte présence de CGI. Les effets numériques pour les scènes « sous-marines » sont hyper bien réussis et plutôt crédibles je trouve. Un big’up à la probable petite équipe chargée de faire onduler la barbichette de Jason Momoa, beau travail !


Même au niveau du bestiaire, les équipes d’effets spéciaux s’en sont donné à cœur joie. J’avoue avoir lâché un petit « Whaaaaaaaat » intérieur en voyant les hippocampes mutants ou les ptérodactyles du Cœur de l’océan… Mais cela fonctionne plutôt bien, les créatures et leurs attributs sont en plus utilisés de façon cohérente dans le film, notamment lors de la bataille finale. Affrontement qui n’a rien à envier aux scènes du Retour du roi par exemple, le spectateur est parfaitement immergé dans cet énorme combat, peut-être un poil trop énorme pour être vraiment caché de la surface.



Wait ! Shouldn't we have written it down?



I memorized it. Didn't you ?



Uh, yeah.



What did it say ?



Something something trident.



Le film est plutôt long, 2h23, mais n’est jamais chiant. La quête proposée est vraiment intéressante donc on ne s’ennuie pas du tout. En plus, le rythme est très bien géré, il n’y a pas de gros temps morts où nous serions poussés à regarder notre montre. Aquaman jongle entre séquences d’action, scènes d’exposition ou d’investigation et certains plans en suspension comme lorsqu’Aquaman plonge dans le monde de la fosse avec sa fusée de détresse rouge. Le plan large montrant le bateau à la surface et la descente du héros suivi de toutes ces créatures, rappelant un peu l’affiche de Jaws dans sa composition, est tout simplement sublime.


Pour conclure, Aquaman est une réussite, un pari gagné pour les studios Warner/DC qui tente une nouvelle recette ayant prouvé son efficacité dans l’écurie d’en face… Avec un budget de 160 millions de dollars, le film est déjà milliardaire après avoir battu le record de recette en Chine, tout film de super-héros confondu. En termes de box-office, Aquaman suit effectivement plutôt la tendance de Wonder Woman, plutôt que celle de Justice League comme vous pouvez le constater ici. Une bonne nouvelle pour ces films ayant aussi couté deux fois moins cher ! Au vue de ces chiffres, il est fort probable que le DCEU s’enferme dans cette recette. Après l’Applelisation de l’industrie, l’Uberisation de l’économie, la Marvelisation du cinéma super-héroïque est en marche.


Bonus acteur : NON


Malus acteur : NON



NOTE TOTALE : 7,5 étoiles


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le 26 janv. 2019

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Spockyface

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