Je n'ai pas peur des mots, c'est un chef-d'oeuvre, un film comme on en voit rarement. j'en suis sorti bouleversé et Aquarius va me hanter pendant des mois. Il y a absolument tout ce que j'aime au cinéma dans ce film, oeuvre mutliple et en même temps qui file droit à l'essence même des choses. C'est un sublime portrait de femme, et une actrice divine, belle, désirable, colérique, forte, une des grandes performances de l'année, une déflagration, et c'est un grand film politique. C'est aussi un film sur le désir, un film sur le deuil, un film sur la maladie, je pourrais continuer longtemps donc je vais aller à l'essentiel : c'est un film sur le combat, un film qui combat, un film combatif, et un film qui gagne ce combat, et qui fait gagner son spectateur, qui en sort transformé, grandi. Il est sinon étrange de constater que le sujet de ce film est quasiment le même que celui d'un autre grand film de l'année sorti la semaine dernière : Brooklyn Village d'Ira Sachs. Si on élargit le spectre, on constate que le cinéma combattif d'aujourd'hui traite de plus en plus d'immobilier. On peut penser que c'est un sujet bourgeois, mais c'est tout l'inverse, le cinéma filme ici une question on ne peut plus contemporaine, témoin d'une crise de société on ne peut plus évidente : les gens ne peuvent plus se loger et doivent se battre pour avoir un toit et le conserver. Et outre Aquarius et Brooklyn Village qui en font de manière évidente le sujet central de leur film, il est étonnant de constater que cette question parcourt d'autres grands films de l'année : Carol (deux femmes s'aiment et rêvent de vivre sous le même toit, mais la société les en empêche), The Neon Demon (une jeune fille vient habiter un lieu/un corps qui est n'est pas pour elle et qui la dévore de l'intérieur), Ma Loute (où il n'est question que d'occupation du territoire et d'une lutte entre deux classes qui veulent occuper ce lieu), Rester Vertical (où le héros erre sans lieu d'habitation à lui et finit pour ainsi dire à l'intérieur d'un autre) ou encore Café Society (où un jeune homme vient vivre chez son oncle, en lui prenant également sa maitresse, faute de ne pouvoir pas se réaliser seul). Témoins de notre société, ces films disent en filigrane combien il est difficile de définir un territoire propre, de s"y établir et de s'y épanouir, et comment il faut lutter perpétuellement pour le conserver.