Araya est une péninsule au nord du Venezuela. « Rien ne pousse à Araya ». Ce sont là les premières paroles du commentaire énoncé par Laurent Terzieff. Commentaire qui couvre les images mais qui mute peu à peu son ton didactique (les images au fond parlent d’elles-mêmes) en une tonalité beaucoup plus poétique, aux élans bibliques.
Araya c’est d’abord un décor, un lieu difficile mais sublime. Un bout de terre désertique, très peu de flore et de faune, rongé par la sécheresse, érodée par le soleil et les embruns marins.
Mais il y a la mer. Tout vient de la mer. Les poissons, l’eau, les bateaux pour transporter les marchandises, et puis le sel. Le sel élément fondamental qui assure le maintien et la survie des habitants de ces terres. Ce même sel qui abime les pieds, qui brûle terre et végétation, mais qui constitue l’unique source économique pour les habitants. Le sel que l’on entasse avant de l’expédier pour le vendre, le sel qui permet de conserver la nourriture intacte et éviter au poisson péché de pourrir sous la chaleur écrasante.
Araya c’est une journée dans la vie de ce lieu et de ces gens. Une journée banale, qui semble être identique la précédente, et ce depuis des centaines d’années, et à la suivante. Les habitants y suivent une mécanique huilée, répétant les mêmes gestes avec précision, avec habitude. D’un côté il y a ceux qui travaillent au sel, le récolte en mer, l’amasse sur les plages, le transporte dans des paniers pour constituer les tas. De l’autre il y a les pécheurs, qui assurent l’alimentation de la population. C’est le principal travail des hommes. Et puis il y a tout le reste. Le travail des femmes et des enfants, entre autre. Préparer les poissons, broyer le sel, … Sur Araya tout le monde travaille, et sans s’arrêter, de nuit comme de jour, les tâches se succèdent.
Et Araya c’est un lieu esthétique fascinant, magnifié ici par la beauté de la photographie en noie et blanc. C’est la vision de monts blancs érigés à la perfection entre mer et terre, des pyramides sans défauts bâti par les mains des hommes.
Et c’est un lieu poétique, dont l’idée la plus belle et émouvante est celle des cimetières. Les fleurs ne poussent pas sur Araya, alors, pour décorer les tombes, les habitants déposent des bouquets de coquillages.
Malgré tout, le regard que pose la réalisatrice sur Araya n’est pas uniquement admiratif, contemplatif, élégiaque, ni même naturaliste. Il est aussi interrogateur et inquiet. Elle achève son film sur une note différente. C’est l’arrivée des machines, de la mécanisation. Sans donner de réponse ni de réel point de vue arrêté elle semble s’interroger, à la manière d’un Flaherty, cinéaste auquel on pense beaucoup durant le film. Est-ce un bien pour aider cette population, ou bien la fin de tout un cycle et la destruction prochaine de traditions, d’un lieu, d’un monde à part.
C’est un film essentiel et magnifique.