Nunca más
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le 21 oct. 2022
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Sûrement ma note est surévaluée. Mais...
La période des années 70 à 80 en Amérique du Sud me fascine fortement. La multiplication des dictatures, militaires pour la plupart, des Videla, Pinochet, Bordaberry, Stroessner, et j'en passe, leur collaboration dans la terrifiante Opération Condor (adoubée par les USA), visant à faire une guerre sans frontière à leurs opposants est un cas d'école - tout comme les actions terroristes et meurtrières de la droite extrême de l'Italie des années de plombs - de ce dont est capable une bourgeoisie pour conserver la mainmise sur un pays et éviter tout progressisme social.
Résulat : 60.000 desaparecidos (personnes disparues sans laisser aucune trace en Argentine, sous l'action de la junte militaire), près de 300.000 morts et disparus en tout sur tout le continent en moins de 10 ans. Les cibles : des militants, des syndicalistes, de simples citoyens ayant commis le seul délit d'être de gauche, d'être des subversifs face à l'Etat conservateur, militaire et catholique.
Argentina 1985 s'intéresse aux procès des commandants de la junte militaire argentine ayant fait régner sa terreur sur le pays entre 1976 et 1983. Il est ainsi le miroir d'un film sorti 50 ans plus tôt, Etat de Siège, de Costa-Gavras, qui montre, de façon spectaculaire, l'émergence d'une dictature chez le voisin uruguyen et la complicité active du grand frère états-unien. Ainsi, le film de Santiago Mitre pose son regard sur un pays convalescent, que l'on sent au bord de la rechute et qui cherche à cicatriser en tentant d'exorciser ses démons et de regarder son passé récent en face. Le personnage incarné par Ricardo Darin, est l'exemple même de ce chemin. Juge vieillissant, idéaliste mais blasé, il sait au début du film qu'il doit mener ce procès. Mais il n'en a pas envie, il ne veut pas rouvrir les plaies du passé, et surtout ne pas se confronter à son inaction passée.
Ce film, très classique dans sa forme, s'inspire grandement des grandes œuvres judiciaires et politiques de son genre, à commencer par JFK, d'Oliver Stone, Cadavres Exquis, de Francesco Rosi, ou encore le plus récent Labyrinthe du Silence. Il n'y a pas grand chose de nouveau dans ce film, et dans son déroulé, et les passages obligés du film de procès ne sont pas oubliés, jusqu'à la scène du réquisitoire, rappelant grandement celle de Kevin Costner dans JFK. Il faut toutefois un pointe d'humour et d'ironie toute latinoaméricaine dans les relations familiales du protagoniste Strassera et dans le recrutement des collaborateurs des procureurs.
D'un point de vue cinématographique, ce film n'a pas l'intérêt de ses illustres prédécesseurs, mais il a pour lui le mérite de s'intéresser à un sujet trop peu abordé : les dictatures sud-américaines. Elles sont pourtant représentatives des dangers que font peser sur nos démocraties et sur nos libertés les minorités bourgeoises et aristocrates, voulant à tout prix, et ce, même par la force, garder leurs privilèges en instillant insidieusement des paniques morales auprès des classes moyennes. Car du subversivo latino-américain au woke contemporain, il n'y a qu'une seule et même signification : la panique des élites face à la fin de leur monde.
Pour aller plus loin sur le sujet, je vous conseille le documentaire Escadrons de la mort, l'école française, de Marie-Monique Robin, s'intéressant au rôle d'anciens de l'OAS et à celui de la CIA dans la formation des juntes militaires sud-américaines à la guerre contre-révolutionnaire. Côté littéraire, le livre Opération Condor, de Pablo Daniel Magee, s'intéressant à l'enquête de l'avocat Pablo Almada sur la conspiration du même nom, dont il a été une des victimes
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le 25 mars 2023
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