Je vais passer plus de temps sur mes BDs. Promis. J’ai pas mal de critiques en tête et qui attendent depuis trop longtemps. Mais je voulais tout de même laisser un mot sur cet Argo.
Après visionnage, poussé par mon ex syndrôme « Affleck est affligeant », je me suis forcé à mettre 5. De pearl Harbour en passant par Daredevil, j’avais été vacciné ; The Town avait été une agréable surprise. Et puis Argo avait gagné un oscar. Alors j’étais enthousiaste à l’idée de plonger dans cette crise méconnue.
Le film a des qualités : l’intro rappelant par exemple le rôle majeur des USA et du Royaume-Uni dans la déstabilisation de la Perse iranienne, c’est court mais bienvenu et, surtout, juste. J’ai aussi beaucoup aimé cette analyse assez terrible de d’industrie cinématographique hollywoodienne où, en pleine folie Star Wars, on se jette sur tout scénario aussi pourri soit-il pour faire du fric. Comment, par exemple, ne pas songer à Conan le Barbare et ses déclinaisons foireuses à base de Kull et autres Kalidor ? Comment ne pas penser à notre industrie actuelle, à l’usage jusqu’à la corde des super héros, des Twiligt et autres Hunger Games trop cool ? Cet aspect est bien abordé, avec, je trouve, un certain cynisme vis-à-vis d’Hollywood. Le casting ? Il fait le job. Affleck est même assez sobre.
Mais, par tous les dieux, que ce scénario est faible ! Très vite, on comprend que nous ne serons pas plongés dans une analyse fine des enjeux géopolitiques autour de cet Iran passé sous la coupe de Khomeiny. Tout tient dans un faux suspense sur une évasion dont on sait, dès le départ, qu’elle réussira. Téhéran se convulse, les USA en prennent plein la tête, mais jamais rien n’est poussé au-delà de quelques séquences furtives à base de télé en arrière-plan.
L’adhésion réelle de la population est à peine évoquée, le soutient des USA à un régime terrible, tout juste, par petites touches, cité. Je sais qu’il est d’usage, pour être branché, de flinguer les cours d’histoire made in Spielberg. Si je prends le Munich, qui est l’œuvre la plus comparable, on est quand même à des années lumières en terme d’ambition. Car, au-delà de la reconstitution correcte de l’ambiance du début des années 80, qu’a-t-on ? Un suspense vide, un héros super sympa de la CIA, qui est un bon père de famille, une happy end de bas étage.
Avec un peu d’ambition, Argo aurait pu être une fresque comparative entre une opération hallucinante – car mine de rien ce sauvetage est incroyable – et le flop monumental de l’opération Eagle Claw visant, par la voie militaire, à la libération des otages. C’est évoqué, en toute fin de film, mais personne ne dit combien ce fut un bide total, une humiliation de trop pour un Carter dont le costume de président a toujours été trop large.
Argo est un film de divertissement, sur un sujet très sérieux. Un manque d’ambition, un creuset de facilités, maquillé par quelques fulgurances analytique ou démonstratives bienvenues. Ici un discours à l’écran, là un Carter pathétique, là, encore, un rappel que L’Iran, La Perse, c’est juste des millénaires de civilisation, un centre de savoir immense.
En fait, je vais mettre 4. Et ça restera sympa au regard de la colère qui point en songeant que ce film a eu l’oscar. Il est terrible de valider ainsi le choix de ne pas prendre de risque. Zero Dark Thirty est bien plus difficile, long, parfois chiant, froid, mais ô combien pus intéressant sur le fond. Terrible de valider les grosses ficelles, la fin mielleuse au possible. Terrible de nous faire croire qu’il y a là un film au suspense tellement fort qu’il mérite de surpasser toutes les autres productions en compétition. Terrible de songer que nous avons là le meilleur scénario d’une année de cinoche made in Hollywood.
Argo n’est pas une purge. Que ça puisse se regarder sans s’emmerder, est une évidence. Mais c’est aussi l’antithèse de toute volonté d’analyse, de toute réflexion politique réelle sur un sujet géopolitique majeur. En fait c’est un très bon film sur l’industrie cinématographique : gaver nos bons yeux de facilités et de bons sentiments. Finalement, le scénario du véritable Argo me semble plus intéressant car lui, au moins, est un nanard en puissance qui s’affirmait.