Eh ben voilà : aussitôt dit, aussitôt contredit. Récemment (c'était il y a quelques mois en regardant Meet John Doe aka L'Homme de la rue de Capra) je me faisais la remarque peu aimable au sujet de Gary Cooper qui m'apparaissait de plus en plus comme un Cary Grant du pauvre. Et le voilà ici en milliardaire américain vieillissant de passage à Paris, tout à fait à l'aise dans son rôle, loin des personnages de cowboy archétypaux et rigides qui m'attristent plus qu'ils m'agacent. Il occupe ici un rôle proche de celui qu'il incarnait 20 ans avant dans La Huitième femme de Barbe Bleue, et la référence à Ernst Lubitsch n'est pas tout à fait innocente tant Billy Wilder semble ici rechercher des liens avec les comédies sophistiquées des années 30.
Bon après il ne faut pas exagérer, car Love in the Afternoon a de nombreux défauts et ne jouit pas du même charme délicat malgré la présence (toujours exquise en ce qui me concerne) de Audrey Hepburn, qui contribue énormément au charme (ou au rejet, je suppose, selon l'adhésion) de l'ensemble. Il y a un petit côté récit d'apprentissage dans son histoire, tout d'abord un peu sous la protection de son père, puis de manière inopinée dans un premier temps au contact de Gary Cooper — mais la phase d'apprentissage sera très rapide et elle gagnera son indépendance avec une vitesse surprenante, jusqu'à mener en bateau le Don Juan américain.
La partie en lien avec le travail du père, détective privé, est très légère et ne vaut le détour que pour son interprète, Maurice Chevalier. En revanche, elle permet d'aboutir sur une conclusion très surprenante : pendant tout le film, on sent qu'il y a une petite dissonance entre la toute jeune Hepburn et le vieillissant Cooper (ils ont près de 30 ans d'écart quand même, et ce fut un petit scandale à l'époque), et il faudra attendre la toute fin pour voir établi un parallèle entre le père et l'amant, unit dans un même plan qui établit la correspondance de leurs âges. Deux corps vieillissants. C'est très bien trouvé, très percutant. Il flotte sur toute l'intrigue de petites touches subversives, sur le thème du libertinage et de la liberté sexuelle pour les deux amants — avec un effet miroir qui pose des questions intéressantes — qui ont recours à différentes formes de mensonge. Selon la perspective adoptée, le sexe est tour tout épanouissant ou sale, drôle de renversement. Un petit goût de désenchantement, aussi, au milieu de la comédie romantique superficielle.
Une tirade très cliché censée caractériser la vie parisienne : "In Paris people eat better, and in Paris people make love, well, perhaps not better, but certainly more often."
https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Ariane-de-Billy-Wilder-1957