Complètement sous acide, ce truc.
Dès les premières minutes, on ne sait pas encore si on va aimer ou pas Arizona Dream, mais on se doute d'ores et déjà qu'il sera difficile de le détester, tant on est fasciné par l'univers onirique qui se construit sous nos yeux.
Et tant il serait finalement compliqué voire impossible de trouver des arguments pour justifier son désamour.

C'est rusé, peut-être un peu malhonnête, mais efficace.
On retrouve la joyeuse mélancolie qui enrobe parfois les films de Kusturica, et on savoure la prestation exceptionnelle du jeune Depp, à des lieues de la déchéance dans le récent Pirates 4, on découvre (pour ma part en tout cas) une Dunaway convaincante.
Seul bémol à mon sens du point de vue casting, Jerry Lewis, comme souvent dispensable. Certes plus à sa place dans ce rôle de raté sur le retour que dans n'importe quel autre, mais néanmoins parfaitement interchangeable de mon point de vue.

Deuxième bémol, il concernera cette fois la bande-son.
Si elle reflète très bien la déstructuration du film 90% du temps, parfois la dissonance est poussée un peu loin et, c'est en général mauvais signe, on s'aperçoit de sa présence, dans le mauvais sens.

Passés ces considérations techniques, rien n'empêche de se laisser entraîner dans le sillage de ces personnages hors du commun, se relayant dans la folie avec une régularité effrayante, confrontant leurs rêves, leurs névroses et parfois les cumulant, avec par conséquent des sommets de non-sens voire de violence tant chacun va pousser à son paroxysme la passion qui l'anime.

Film traitant de la folie donc, mais pas seulement.
Les sentiments sont aussi de la partie, même si j'ai pour ma part déploré que leur place soit tellement "cloisonnée", à savoir qu'ils étaient souvent (pas toujours, mais la plupart du temps) éclipsés lorsque revenait au premier plan le délire quasi-constant environnant cette fine équipe.

Je tiens quand même à tempérer mon opinion négative de Jerry Lewis par la dernière scène, preuve éclatante s'il en est d'un certain talent à compenser le défaut de communication par l'expressivité, tant lui comme Depp parviennent à faire passer à nous spectateur la quintessence de ce que les deux auraient à se dire.

C'est une oeuvre inclassable, il ne faut pas vous leurrer en vous lançant dans son visionnage.
L'expérience est d'autant plus inédite qu'on a presque la sensation de voir deux films qui se mêlent par instants, tellement la propension de Kusturica de sauter du coq à l'âne est grande.
C'est toujours déstabilisant, rarement désagréable.
Laissez derrière vous le conventionnel, laissez-vous emporter, laissez-vous envoûter, c'est si vous résistez que cela pourra paraître une souffrance.
On a envie d'y aller. Allons-y. Rêvons avec eux.
SeigneurAo
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Tu veux mon doigt ?

Créée

le 31 juil. 2011

Critique lue 4.1K fois

56 j'aime

19 commentaires

SeigneurAo

Écrit par

Critique lue 4.1K fois

56
19

D'autres avis sur Arizona Dream

Arizona Dream
eloch
10

" Je vais vivre pour l'éternité et je serai une tortue ..."

Ce film reste le numéro 1, celui de tous qui ressort particulièrement parce-que j'aime toutes les scènes, que je ne me lasse pas de le redécouvrir chaque fois, que les acteurs sont impeccables et que...

le 25 mars 2013

45 j'aime

6

Arizona Dream
Truman-
7

Critique de Arizona Dream par Truman-

Mystérieux, hypnotique et original, une chose est sur c'est qu'Arizona Dream est un film unique en son genre mêlant a merveille rêverie et humour, beauté et tristesse . La réalisation dégage un style...

le 17 déc. 2013

37 j'aime

5

Arizona Dream
Docteur_Jivago
8

Rêve sidéral d'un naïf idéal

Un ciel se déplaçant à toute vitesse, une musique belle et intrigante, un esquimau sur un traîneau de chiens-loup, la glace s'effondrant... Puis Alex se réveille, jeune homme qui recense les poissons...

le 18 avr. 2018

34 j'aime

8

Du même critique

Your Name.
SeigneurAo
10

10 minutes : allez, encore 1h35 à supporter. 1h45 : mais... qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

Il est des séances qui tombent à pic. Voici quelques jours, je devais expliquer en long, en large et en travers pourquoi, non, je n'avais pas aimé le merveilleux Arrival du non moins fantastique...

le 19 déc. 2016

197 j'aime

50

Léon
SeigneurAo
10

OK

Luc Besson de nos jours, c'est quasi-exclusivement Europa Corp, société quasi-caritative qui donne de l'argent pour que des films de daube puissent finir la lobotomie entamée par TF1 sur nos chères...

le 26 oct. 2010

174 j'aime

14

Mr. Robot
SeigneurAo
5

Mr Grosses Bottes bien boueuses et bien lourdes (avec spoilers)

Vous pouvez vous épargner Mr Robot. Et aussi cette critique si vous souhaitez persister, car elle est plombée de spoils. Regardez Fight Club (évidemment, tout le monde l'a déjà dit), Dexter,...

le 24 sept. 2015

133 j'aime

80