Fut un temps, célibataire esseulé mais libre j’étais. Tous les jours, une femme qui montait dans le même train que je prenais pour aller travailler, donnait l’air d’être un cœur à prendre. J’écoutais ses conversations qu’elle engageait avec une de ses amies, d’une oreille plus ou moins distraite.
Et puis un jour, elle parla du film, Armageddon, qu’elle espérait voir au cinéma ou en location ; le souvenir n’est plus exact. Je soupirai à l’écoute des mots rêveurs de la passagère en quête de romance et d’héroïsme, et peut-être en plus si affinité une épaule mâle sur laquelle elle blottirait sa tête avec des yeux plein d’étoiles devant le grand écran. Je soupirai non par hésitation d’aller lui proposer de sortir à une séance en ma compagnie pour que nos cœurs battent d’émotion, jusqu’au slow d’Aerosmith en fin de film au point de nous embrasser avec un lavage de dents réciproque par nos langues humides. Je soupirai parce qu’à la seconde où j’entendis le titre du film de son désir cinématographique, ça me gonfla dans l’immédiat. Et puis merde, les films avec un Bruce Willis mono-expressif et indestructible face au danger me lassèrent progressivement.
Je ne regardai Armageddon que plusieurs années plus tard, à la télévision. Une grosse production américaine divertissante qui avait disputé sa part du marché avec Deep Impact, autre film du même genre sorti dans la même période au cinéma, à quelques mois ou semaines près. Du grand n’importe quoi ! Avec tous les clichés montrés, prévisibles, et des situations défiant les lois de la physique ; tout est normal, nos héros sont des américains pour lesquels la belle Liv Tyler, la fille de Steve Tyler, le chanteur d’Aerosmith dans la réalité et celle de Bruce Willis dans cette fiction spatiale, prie pour ces cowboys de foreurs afin qu’ils réussissent à sauver la Terre de l’énorme astéroïde qui s’émiette à l’abord de notre belle planète bleue. Elle prie aussi pour son papa et surtout pour son fiancé joué par Ben Affleck qui aura permission de son patron, lequel se sacrifiera dans un relent d’héroïsme dégoulinant, pour lui faire un deep impact avec sa fusée à deux boosters une fois de retour sur le plancher des vaches.
Romantisme et héroïsme à l’américaine, comme d’habitude. C’est bien fait d’un point de vue spectaculaire mais c’est également con.
La rêveuse passagère d’antan a-t-elle trouvé finalement son mâle alunisseur depuis toutes ces années écoulées ? Je n’en sais foutre rien et je m’en balance le télescope.