Je ne m’explique pas totalement cette irrépressible sympathie que m’inspire Arnaques, crimes et botanique, sorte de brouillon au retentissant Snatch : deux ans avant de percer pour de bon, Guy Ritchie signait en effet ce petit thriller en tous points précurseur au suscité, ce récit londonien alignant nombre de similarités jusque dans l’esprit l’animant.
L’étiquette de « brouillon » tombe d’autant plus sous le sens que ce premier long-métrage n’est point aussi abouti, ni même divertissant, que son illustre successeur : les tribulations d’Eddie et de son trio d’amis sont à bien des égards plus confuses, empreintes d’une envergure moindre se traduisant par une atmosphère relativement plate. Bien conscient de le surévaluer, celui-ci parvient pourtant à tirer son épingle du jeu au détour d’un petit truc en plus : l’authenticité.
Un état de fait curieux quand on voit à quel point Ritchie pouvait tirer sur la corde de ses futurs artifices fétiches : mise en scène nerveuse, montage sur ressorts, dialogues saugrenus mêlant philosophie de vie à une outrecuidante répartie... et cette fameuse galerie de personnages tous plus improbables que les autres, cassant les codes au profit d’un « sérieux-ridicule » des plus assumés. Ajoutez à cela une bande-originale quelque peu ronflante, doublée d’une photographie terne si ce n’est crasseuse, puis secouez afin d’obtenir une peinture des plus « locales » d’un Londres aucunement fastueux : à défaut d’être incontestable en termes de vraisemblance, voilà en quoi Arnaques, crimes et botanique sonne « typique ».
L’effet est alors des plus aguichants à mesure que ce dernier ne balance, sans prendre de gant, les tenants et aboutissants d’un futur sac de nœud scénaristique : contraint de les attraper à la volée, quitte à ne pas s’immerger d’emblée dans cette farce d’outre-Manche, le spectateur prendra peu à peu la pleine mesure d’une écriture bien plus fine qu’il n’y paraît. L'enchaînement, endiablé, de quiproquos et autres savants coups du sort démontre à juste titre d’un doigté certain, Arnaques, crimes et botanique n’ayant de cesse d’en rajouter une couche mais sans jamais dépasser la ligne rouge.
Savoureux dans l’excès donc, et ce jusque dans les multiples résolutions qu’invoque son récit tortueux, le long-métrage se paye même le luxe d’abandonner ses infortunés protagonistes au cœur d’une ultime séquence hautement hasardeuse... et nous avec eux. Pied-de-nez symptomatique de ses aspirations premières, ce dénouement ouvert en dit alors long sur le propos chaotique du long-métrage, qui se trouve être paradoxalement orchestré aux petits oignons.
On regrettera toutefois la caractérisation lisse et sans véritable panache d’un quatuor principal trop sage, son ambivalence se cantonnant à des archétypes ; sur ce point, la galerie secondaire réserve heureusement de bonnes surprises, quand bien même elle ne serait pas exempte de tout reproche : car à trop surjouer la carte de la chaîne alimentaire sens dessus dessous, celle-ci se fait le porte-étendard involontaire d’une cohérence en berne... elle-même indissociable de l’envers bordélique si savoureux à l’œuvre.
Arnaques, crimes et botanique ne saurait donc être réduit à une simple mise en bouche préfigurant, vous l’aurez deviné, le référentiel Snatch.