Deux petites souris tombent dans un seau plein de crème...

Ah Catch me if you can, le vilain petit canard chez Spielberg, du moins peut être pas vilain, d'autres ont reçu un accueil nettement plus violent, mais peut-être un peu sous estimé, vu comme un film mignon, et surtout mineur comme on aime souvent qualifier le récit d'un maître dans une filmographie aussi épaisse avec parfois un brin de condescendance. Et pourtant, je vais vous dire pourquoi c'est mon Spielberg préféré alors qu'il avait tout pour être un récit aisément oubliable.


Pourtant dès son générique, le film dessine ses ambitions, ambiance travaillée avec soin, musique aux allures rétros et emprunt d'un mystères laissant deviner le portrait d'un gentleman cambrioleur, géométrie, soucis du détail, le cadre est posé.


Et le film va continuer son petit bonhomme de chemin sur le même rythme, dans sa première demie heure, en quelques scènes, toute la structure de son héros et ce qu'il amènera à devenir ce qu'il est est décomposé sous nos yeux sans excès. En ce sens, le pseudonyme utilisé par le personnage, à savoir Barry Allen alias Flash n'est pas anodin, en plus de servir de prétexte pour faire avancer l'enquête, Spielberg plutôt que de réaliser un biopic bête et méchant structure son propos par une analogie proche d'un super héros, l'enfance, le fait marquant et l'envol.


Dans ses premières scènes, Dicaprio est déjà entrain d'enlever une étiquette d'une bouteille de vin, il regarde avec la plus grande admiration son père, sourit comme un enfant devant ses parents effectuant une danse romantique et fera ses premières armes en classe. Tout est là, et c'est génial à voir, et c'est drôle en plus, je sais pas vous mais je regrette d'avoir raté la scène dans laquelle il organise une réunion parent / élève avant d'organiser une sortie scolaire dans une boulangerie française. Pas un dialogue, pas une plan n'est inutile et permet de faire avancer son intrigue artifice.


La suite ne sera que le prolongement de cette introduction et permettra à Spielberg d'aborder ses thèmes fétiches, la gestion du divorce pour l'enfant, les scènes de retrouvailles entre Frank et son père sont particulièrement soignées et toujours d'une douceur, d'une pudeur et d'une sincérité qui dénotent du rythme un peu fou de son récit. Le masque tombe pour le fils qui peut percer sa carapace et montrer le gamin innocent qui vit encore derrière cette couche de mensonges et d'imposture, le père fier de voir son fils s'envoler au sens propre et figuré qui lui demandera toujours " ou seras tu ce soir, dans un lieu exotique ? " L'autre figure paternelle qui prendra de l'importance est incarnée par Tom Hanks qui ne cessera de courir après lui, leur première scène ensemble est par ailleurs l'une des plus mémorables et plus réussies du film, quand Spielberg nous montrait la naïveté de son héros, il montre ici le charisme, la maîtrise de soi et l'assurance qui émanent de lui toujours dans cette construction d'un super héros avec deux facettes complètement distinctes plus proche cette fois du symbole Clark Kent / Superman.


Mais si le film est également une réussite, c'est en parti grâce à son casting proche de la perfection, Walken est bouleversant à chacune de ses scènes, Tom Hanks en inspecteur râleur ( knock, knck ) et surtout Dicaprio qui porte le récit sur ses épaules. Assez juvénile à l'époque pour jouer un adolescent mais tout aussi crédible lorsqu'il doit se montrer plus mature et enfiler le costume d'un pilote ou d'un médecin. Il est à la fois vulnérable quand il faut, drôle, passionné, fantasque sans avoir besoin de surjouer.


J'ai découvert ce film à l'adolescence et son synopsis m'avait fait rêver, un personnage devenant pilote, avocat, médecin, puis je me suis intéressé au cinéma plus en profondeur et c'est un film à mon sens qui dégage une fausse légèreté et qui se regarde avec plusieurs degrés de lecture. C'est aussi un très bel exemple de ce que doit être un biopic, piocher son essence dans l'histoire qu'il raconte mais surtout y insuffler tout ce que le cinéma peut apporter à l'exercice. En découle une très belle oeuvre d'une réelle fraîcheur et qui raconte quelque chose qui ne se contente pas de n'être qu'une séries de pages mises en relief mais un exercice complet, réfléchi et très bien pensé, qui 16 ans plus tard se déguste avec un goût tout aussi prononcé.

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