A l'image de son histoire, oscillant entre grandeur et petitesse, monde humain et univers des "Chapardeurs", Arrietty est un film à cheval entre deux sentiments contradictoires, émerveillement et déception.
D'un côté, on est émerveillé de la beauté graphique du film (ces plans du jardin, mon Dieu, que c'est beau !), on apprécie la qualité du doublage français (mention spéciale à Adeline Chetail, parfaite comme à l'accoutumée) et on goûte avec joie la simplicité du film et la richesse du minivers qui nous est présenté.
De l'autre, on sera déçu de constater que de cet univers, il ne sera pas fait grand-chose. Lorsque notre protagoniste minuscule découvre une épingle, elle n'en fera presque rien, alors que le film semblait présenter cela comme un fusil de Tchekov d'une grande importance ; idem pour le personnage de Spiller, la maison miniature et j'en passe. De même, la dangerosité du monde qui entoure nos protagonistes n'est que très peu exploitée, de sorte que le film laisse un arrière-goût d'inachevé chez le spectateur.
Le film est cependant sauvé par deux qualités très importantes. D'abord, la musique. L'écurie Ghibli peut s'enorgueillir d'une pléthore de bandes-originales superbes, mais celle-ci constitue une nouveauté, ayant été confiée à une artiste française, Cécile Corbel. Ses compositions toutes celtiques sont aussi belles qu'inattendues de la part du studio, et font beaucoup pour l'appréciation du film.
Ensuite, l'émotion palpable de cette relation entre deux êtres que littéralement tout semblait devoir séparer. Rien que de très classique, mais tout est admirablement mené du début à la fin. Cette relation évolue d'ailleurs très intelligemment durant le film.
Ainsi, lorsque Shô voit Arrietty pour la première fois, celle-ci prend un air horriblement gêné et remonte instinctivement vers son col le mouchoir qu'elle avait attrapé, comme si Shô venait de la voir nue. Cette première rencontre peut être vue comme le dévoilement involontaire d'une intimité voulue secrète. Lorsqu'Arrietty reviendra voir Shô, elle prend soin de ne pas se montrer, ne dévoilant que son ombre au jeune garçon. Leur troisième rencontre sera enfin l'occasion pour les deux jeunes gens de se voir mutuellement, en pleine lumière, mais en restant cependant éloignés l'un de l'autre. Par la suite, leur coopération impliquera un contact physique (Arrietty se plaçant dans la main, puis sur l'épaule de Shô), qui reste utilitaire, le but étant de transporter la jeune fille, mais qui n'en évoque pas moins un rapprochement entre eux (leurs visages étant plus proches que jamais). Lors de leur quatrième et dernière rencontre, enfin, Arrietty saisit le doigt de Shô pour le porter à son front. Par ce geste, le plus proche possible d'une impossible étreinte, Arrietty et Shô atteignent une communion très intime, la connaissance tactile étant la plus obscure comme la plus profonde de l'être, si l'on en croit Proust. Ce simple geste, couplé aux larmes d'Arrietty, constitue le couronnement de leur amitié en même temps que sa fin, et sous-entend une évolution de la simple amitié vers le début d'un sentiment amoureux, rendant la séparation des deux jeunes gens plus poignante encore.
J'ai beaucoup hésité entre sept et huit. Sept et demi serait probablement l'idéal. Ce film contient quelques défauts qui l'empêchent d'atteindre le rang de chef d'œuvre auquel il aurait pu prétendre, mais il n'en reste pas moins très beau, teinté d'une très belle atmosphère mélancolique, visuellement somptueux et très émouvant (j'ai presque versé une larme à la fin). Gageons que la chanson finale trottera longtemps dans la tête du spectateur le plus endurci.
https://www.youtube.com/watch?v=mR01g0EkSXI