Michele Soavi a longtemps été catalogué fils spirituel de Dario Argento depuis les années 80, période pendant laquelle il a assisté les maîtres du giallo, fait un peu l'acteur, et surtout commencé à réaliser ses propres films. De notre côté des Alpes, il est surtout connu pour le culte "Dellamorte Dellamore" (1994), depuis lequel il n'avait pas donné signe de vie au cinéma, si l'on fait exception de sa participation comme assistant-réalisateur pour Terry Gilliam sur "Les Frères Grimm" (2005).

Depuis quelques années, sa réalisation se cantonnait au format télévisuel, mais un roman qu'il voulait adapter l'a redirigé vers le grand écran : "Arrivederci Amore, Ciao" de Massimo Carlotto (paru en France en 2003). C'est que cet auteur, dont la vie a été aussi mouvementée que celle de son personnage principal de fiction, est considéré comme l'un des plus intéressants représentants du roman noir italien actuel, dénonçant sans complaisance la violence, l'injustice sociale et les corruptions qui rongent son pays.

Giorgio y est un ancien militant d'extrême gauche qui a quitté l’Europe pour l'Amérique du Sud. Il a fui les autorités, mais aussi ce qui le hante suite à ce qu'il a été amené à faire dans son engagement. Des années plus tard, il revient avec l'intention de commencer une nouvelle vie. Mais il découvre que pendant que lui était forcé à l'exil, ceux qui décidaient de ses actions se sont installés convenablement dans le confort bourgeois. La rédemption qui aurait pu être la sienne a fait place à une désillusion qui le conduit à utiliser tous les moyens possibles pour obtenir ce dont il a été privé jusque-là...

Ce parcours chaotique d'un homme qui était engagé et avait des idéaux mais qui, puisqu'il ne croit plus en rien adopte un profil calculateur et opportuniste pour être "réhabilité", donne une œuvre extrêmement amère. User de ses charmes, faire du mal aux autres physiquement et moralement n'est pas un problème quand on n'a plus le moindre état d'âme, tout comme trahir pour échapper à la prison, ou encore faire disparaître ceux qui deviennent des obstacles (jusqu'à un final tétanisant). L'ironie dans tout cela, c'est que pour être "comme tout le monde", pour se refaire une virginité qui lui permette de rentrer dans une société elle-même corrompue, Giorgio est obligé de commettre des crimes.

Il s'agit là d'un beau film noir, à la mise en scène inspirée. La bande-son très années 80 (Tears for Fears, Fine Young Cannibals…), qui renvoie à "American Psycho", passe bien elle aussi. De plus, le cinéaste n'hésite pas à filmer parfois avec une certaine perversité, que ce soit un traquenard, une fusillade ou une fille sur le corps de laquelle un client prend de la coke. Et malgré un film ancré dans la réalité politique et sociale, le déroulement narratif nous mène dans des contrées psychologiques assez insolites.
Christophe_Mull
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le 18 juil. 2013

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