Le bouille à Bess
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Depuis l’avènement du cinéma parlant, la Fox imposait son style à ses collaborateurs. Ford, lassé de réaliser des films qui ne correspondaient ni à ses centres d’intérêts ni à son style, signe en 1931 avec Samuel Goldwyn et la United Artists pour diriger « Arrosmith », roman de Lewis Sinclair adapté par Sidney Howard. Il s’agit de la lutte d’un médecin idéaliste pour sauver l’humanité d’une épidémie de peste et de son choix entre la recherche désintéressée et la réussite matérielle et superficielle. Le film se divise en deux parties bien distinctes. La première sert essentiellement à montrer le personnage central dans l’installation de sa vie : son mariage avec la femme qu’il aime, son installation comme médecin de campagne pour faire vivre son ménage et son retour à New York comme chercheur dans un grand institut où il découvre à ses dépens que la publicité est plus importante que la véritable recherche. Cette moitié plutôt lente et d’un style austère assez caractéristique de la manière propre à l’auteur sert en fait à préparer la suite. La deuxième moitié du film illustre son combat contre la peste aux Antilles. Et là c’est du très grand John Ford. Au milieu du climat étouffant des Antilles (vapeur d’eau qui monte des marais, bruit insupportable de la pluie tropicale), le héros est brisé par les éléments et le destin. Son ami puis sa femme sont emportés par la peste (extraordinaire scène de l’agonie de cette dernière dans un noir et blanc contrasté et violent, soutenu par les mélopées macabres des noirs au loin, qui accentuent la portée tragique de l’événement). D’une densité proche du cinéma de Fritz Lang (que John Ford admirait) cette théâtralisation du réel n’offre pas un caractère, pas un plan qui puissent amener une quelconque déviation du sujet initial, y compris l’apparition de la sexy Mirna Loy dont la justification n’apparaît qu’à la fin. Le roman étudie un caractère d’exception devant faire face à des évènements adverses, où la trame sociale est aperçue du point de vue de l’individu. A l’inverse, les évènements qui s’imposent à lui et le monde qui l’entoure (la société new-yorkaise et l’institut, puis le climat équatorial) cernent et façonnent le personnage. Sans rien renier de l’œuvre de Lewis, Ford y apporte une force supplémentaire, représentative de ses propres préoccupations.
A noter que c’est le premier film occidental où un des médecins est noir, parlant et se comportant comme un universitaire (à l’époque ils étaient plutôt dans le style « y’a bon banania »). C’est aussi le 74ème film de John Ford !
Créée
le 19 juin 2020
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