On avait promis monts et merveilles au masqué avec As Bestas, tellement le dernier film de Rodrigo Sorogoyen était présenté comme formidable par la critique pro, dans une unanimité qui, en certaines occasions, a tout du suspect, comme avec La Môme en 2007.
Mais quand on lui parle de thriller et d'atmosphère irrespirable, le masqué, il ne résiste jamais bien longtemps à la curiosité.
Et celle-ci a été pour le moins récompensée.
Car OUI, As Bestas est tout simplement virtuose dans sa première partie, celle de l'affrontement avec ses voisins hirsutes que l'on croirait tout droit sortis du Délivrance de John Boorman. Transposé dans un village tout ce qu'il y a de plus mort, auquel on fait miroiter l'argent d'un programme éolien qui ne fait que renvoyer à la gueule de ces voisins leur pauvreté et la précarité de leur condition. Des joyeux drilles que dessinent Sorogoyen comme coincés dans leur propre paradoxe, entre ancrage et repli dans leur communauté, désir d'une vie meilleure et espoir de départ d'un trou abandonné du monde.
Les mêmes illusions sont entretenues par le camp d'en face, ces français qui croient pouvoir réenchanter l'endroit et le passer au tamis de la gentrification.
Soient autant de divergences irréconciliables propices au harcèlement local, à la démission des autorités, aux vexations et une montée en tension que le metteur en scène garde constante, isolant ses personnages, illustrant la spirale dans laquelle ils glissent inexorablement.
Et la véritable peur de s'installer à l'écran, naissant de presque chaque plan placide, que l'on s'attend à chaque instant à être troublé. On en vient à rester sur ses gardes, comme Denis Ménochet face à la menace, d'abord sourde, puis manifeste. On étouffe, emprisonné dans une voiture en pleine nuit, alors que l'étau se resserre. Comme si, chacun son tour, chaque personnage tentait de contrôler l'espace de l'autre, d'affirmer l'étendue de son territoire. Comme des bêtes.
Sauf que ce que le masqué vient d'écrire, vous l'avez sans doute déjà lu cent fois ailleurs.
J'ajouterai donc que Sorogoyen, au delà du thriller, impose immédiatement As Bestas comme un héritier direct du genre western, dont presque chaque figure imposée est transposée dans une Galice désolée et délabrée : les inévitables duels, la ville fantôme, le saloon, les affrontements verbaux lourds de menaces, les intimidations, l'impuissance du shérif ou encore l'intrusion de la modernité. De quoi imposer une marque supplémentaire du savoir-faire du bonhomme.
Et si la seconde partie du film en déstabilisera sans doute plus d'un, le virage emprunté prolonge l'étude de caractères menées, s'immisçant un peu plus encore dans la tête de ses protagoniste, occasion de s'emparer d'une Marina Foïs formidable, d'une intensité rare, se montrant aussi résolue et jusqu'au boutiste que son époux.
Eprouvant, ramassé, étouffant, As Bestas s'impose comme un thriller rural brillant, foisonnant et riche, pour ensuite mieux toucher au drame et au cœur.
Behind_the_Mask, la Galice jusqu'à la lie.