Le vrai premier amour a toujours une résonance particulière, que ce soit par mélancolie ou parce qu'il nous suit, bien malgré nous, et c'est cela que met en scène Ryusuke Hamaguchi en signant Asako, oeuvre qui va suivre le destin sur plusieurs années d'une femme marquée par cet amour.
Il propose un récit parfois déstabilisant, usant d'une construction dramatique inhabituelle mais totalement maîtrisée, d'abord grâce à une justesse et intelligence dans l'écriture, permettant une mise en scène émouvante. On s'attache à ce personnage qui va découvrir l'amour, dans ce qu'il y a de plus fort mais aussi de plus dur avec la séparation, puis reconstruire sa vie, toujours avec le spectre du passé. Les enjeux sont toujours bien amenés, et l'auteur sait prendre son temps pour dépeindre des personnages complexes et ô combien attachants, et il en est de même pour les seconds rôles, chacun ayant une importance et apportant une touche particulière au récit, qui n'hésite pas à alterner plusieurs sentiments avec brio (émotion, intensité, humour ou mélancolie).
Avec Asako, Ryusuke Hamaguchi met en scène l'amour à travers le temps et l'impact de celui-ci sur une vie et le quotidien, avec ici une attention particulière à la première vraie relation amoureuse de son héroïne. Si la thématique est vaste, elle est bien traitée, sans aucune lourdeur et sachant venir toucher le spectateur, grâce notamment à sa façon de capter les simples moments de vies, de bonheur ou de malheur, rendant authentique le destin de cette femme idéalisant son premier , et ne mettant personne sur un piédestal. La mise en scène est plutôt moderne, s'attachant à des problématiques et personnages bien ancrés dans notre époque, et elle colle parfaitement au récit et ce que cherche à exprimer l'auteur.
Tout le long prenante, l'atmosphère est aussi parfois romanesque et surtout irréelle, avec une frontière parfois floue avec la réalité, laissant la liberté aux spectateurs de s'échapper ou non avec l'héroïne. Il sublime aussi le contexte de l'oeuvre, que ce soit social, dans les paysages ou tout simplement le quotidien, dans le Japon actuel entre Osaka et Tokyo, alors que plusieurs séquences sont mémorables, que ce soit sous la pluie, les étincelles, en appartement ou les simples moments de vies. La bande-originale colle parfaitement aux images, tandis que les comédiens sont tous parfaits, chacun donnant une authenticité à son personnage, et en particulier la fragile Erika Karata dans la peau d'Asako, formant un duo alchimique avec Masahiro Higashide, remarquable dans un double rôle.
En signant Asako, Ryusuke Hamaguchi propose une oeuvre intense, captivante, rêveuse et émotionnellement forte autour de l'amour et des petites choses de la vie, rappelant parfois Hitchcock et sachant créer des tableaux humains passionnants et complexes, et nous immerger dans le Japon actuel, avec autant d'authenticité que de passion et fragilité.