Parfois, pour bien voir la poutre qu'on a dans l’œil, il faut regarder la paille dans celui de son voisin. Ici, pour voir la poutre dans notre œil, il faut voir la Tour Eiffel dans celui de la Chine. A force de clichés et de poncifs éculés sur la société chinoise, on ne réalise pas forcément la puissance effrayante de ces centaines de millions de travailleurs au turbin pour coloniser le reste du monde, d'abord économiquement. Enfin, on savait à quoi s'en tenir, mais ce magnifique documentaire sans commentaire, et c'est parfait comme ça, donne à voir vraiment ce qui se trame dans ce pays passé maître dans le contrôle de son image. Ici, on plonge dans le quotidien absurde de travailleurs pauvres, épuisés à des tâches abrutissantes pendant d'interminables journées, parfois pour fabriquer de très dispensables babioles, comme des sapins de Noël en plastoque, dont nous pourrions parfaitement nous passer et qui finissent par détériorer tout notre environnement. De quoi se poser quelques questions de consommateur, donc. Les usines chinoises sont immenses, les quantités de matières premières ingurgitées également, les déchets, c'est pareil, tout ça au prix de la santé (mentale, certainement, pour commencer) de travailleurs réduits à effectuer des tâches automatiques à des cadences folles. On le savait, mais le voir comme ça, en témoin silencieux, pendant de longues séquences qui permettent d'éveiller son empathie, ça ne laisse pas indemne. Ensuite, on gravit les échelons de cette société inégalitaire tout entière tournée désormais vers l'accumulation de richesses. L'argent est au centre de l'endoctrinement politique. "Si la richesse d'un homme dépasse son intelligence, alors la société trouvera mille façons de lui reprendre cette richesse", assène un Chinois qui a réussi commercialement à une assemblée hiératique toute prête à gober ces crédos définitifs. Autant dire que ça fout gravement les jetons. Même dans les hautes sphères privilégiées, l'absurdité est reine et nous renvoie à nos propres croyances sur l'abondance et l'opulence. Et le bonheur. Et la place de l'homme dans l'Univers, si on tire les ficelles jusqu'au bout. Bref, c'est assez flippant, et cette agressivité impérialiste, si elle est authentiquement chinoise, s'est nourrie des doctrines économiques débiles créées à l'autre bout du monde et donc nous sommes en train de revenir, pour une bonne partie d'entre nous, parce qu'elles mènent à des comportements prédateurs autodestructeurs dont on commence à bien sentir les effets au quotidien... Un doc vraiment réussi, donc.