Comme une ode aux vacances, voici que Charles Trenet fredonnait :
De toutes les routes d’Europe
Celle que j’préfère est celle qui conduit
En auto ou en auto-stop
Vers les rivages du midi
National 7
Devant la caméra de Denis Amar - dont c’est ici le premier film - cette bucolique route chantée par le grand Charles va se transformer en un “Asphalte” brûlant et meurtrier. Nous sommes le 31 juillet 1980 et au détour d’un radio-réveil, un journaliste nous informe que l’année précédente, 13 000 personnes ont perdu la vie sur les routes de France. Un chiffre à la fois ahurissant mais aussi anecdotique comme une info matinale un jour de grand départ - qui n'entame en rien l’enthousiasme des vacanciers. Pour mieux appuyer sur le désastre à venir, le réalisateur nous dévoile le quotidien d’un chirurgien (Georges Wilson) et d’un garagiste (Etienne Chicot). Au moment où l’un tente de réparer un corps, l’autre entasse peut-être la carcasse de son véhicule. Les deux hommes pourtant différents, sont liés par un cynisme impressionnant. Tourné à la manière d’un film choral, “Asphalte” nous narre à travers une cinglante chronique sur l'inconscience et la bêtise ordinaire, les destins croisés de plusieurs personnages (Jean-Pierre Marielle, Jean Yanne, Carole Laure, Philippe Ogouz…), avec comme fil conducteur, la route et ses dangers. Dépourvu d’humour, même si parfois certaines scènes paraissent cocasses, “Asphalte” est un drame sans concession (notamment, le moment où un couple de personnes âgées viennent récupérer dans une épave ensanglantée, quelques affaires appartenant à leur fils et leur belle-fille décédés), Denis Amar distille un malaise et une angoisse permanente. En cause, un immense exode volontaire d’êtres humains mués par le même désir, celui d’accéder au loisir de masse, malheureusement, certains malchanceux n’y arriveront jamais. Accompagné par la partition musicale de Laurent Petitgirard aux accents de tragédie, “Asphalte”, à travers un infernal ballet de tôles froissées, de vitres brisées et de corps meurtris et là pour nous prouver que la route est un monstre insatiable engloutissant aussi bien l’impudent, l’imprudent que l’innocent !