31 juillet. Sur les routes de France. On suit plusieurs personnages, qui se croisent ou non. Des voyageurs qui partent en vacances, un ferrailleur qui récupère les voitures accidentées, un médecin urgentiste qui reçoit les blessés du jour. C’est un film très bizarre, qui ne ressemble à aucun autre tant le malaise qu’il distille est constant et son atmosphère lugubre et estivale quasi indéfinissable.
Ça se déroule sur la route pendant une journée de départ mais ce n’est pas vraiment un road-movie, plutôt un film choral fragmenté, qui filme par ailleurs moins la route que les restauroutes, les bords de chaussées, un hôpital, une casse, un motel, les aires de repos, bref une multitude de décors en lien direct ou non avec l’asphalte. Le tout saupoudré d’accidents chorégraphiés au ralenti, comme dans un Peckinpah.
C’est une vraie curiosité, invisible depuis longtemps et exhumée du néant, qui ressemble par ailleurs moins au Grand embouteillage, de Comencini, auquel on pense inévitablement sur le papier, d’autant qu’ils sont sortis en même temps, qu’à un film qu’aurait pu pondre un type comme Jessua, avec sa tonalité à la fois réaliste, cruelle et fantastique. A l’image de cet étrange climat, pas assez solaire et bondé pour représenter le traditionnel chassé-croisé entre juilletistes et aoutiens, mais suffisamment irrespirable pour qu’on s’y croit.
En effet, Asphalte déploie en sourdine une dimension volontiers apocalyptique. On entend un moment que les hôpitaux français sont en pénurie de sang, qu’il va leur falloir passer commande en Suisse. On apprend via les nombreuses informations télévisées catastrophistes que des agressions inexpliquées ont lieu – l’écho final en sera le marqueur le plus terrible. De nombreux personnages secondaires, mystérieux, viennent émailler cette sensation à l’image de cet ancien accidenté devenu clochard, tirant un caddie et dévoilant son torse maculé de cicatrices. Ou bien ces vendeurs de valises hystériques, de cet autostoppeur choqué et apathique obsédé par l’idée de ne pas rater le diner chez ses beaux-parents. Ou encore de cet énorme chien de Jean Yanne qui s’appelle Robert.
C’est un film qui raconte beaucoup de son époque aussi, fin 70’s, quand la route faisait des avalanches de morts, où l’on roulait sans ceinture, bourré, clope au bec, avec des freins ou fixations de caravane, même pas vérifiés. A ce titre, le film est d’une grande cruauté. Les personnages qui en réchappent ne vont nulle part. Les dernières minutes sont d’une noirceur vertigineuse.