Une vitrine racée et convenablement débile des mœurs liées aux réseaux sociaux, aux fantasmes et prospectivismes grégaires, à l'adolescence criarde de l'époque. Pachydermique mais habile, bien qu'il perde régulièrement en impact et en pertinence ; la dernière demi-heure est un carnage façon The purge ou guérilla kikoo-savage (comme on en trouve chez les japonais). Néanmoins un vrai sens esthétique, de possibles inspirations surprenantes (Ténèbres d'Argento ?) et surtout une fougue indéniable incitent encore à épargner ce film.
Il est capable d'ambivalence et d'intégrer celles de ses sujets. Via la bande on dénonce l'hypocrisie du monde hashtag – et s'inscrit totalement dedans, même s'applique à prendre les devants. Les claques narcissiques font pleurer ces pauvres jeunes filles, elles sont recherchées pourtant ; on se désintègre soi pour mieux se livrer aux pièges et à l'attention de l'environnement. Bien sûr en dernière instance seule la flatterie l'emporte, avec un gros appel féministe grotesque, incroyablement pompeux (« we are legion »). La jeune mégère névrosée se place dans l'attente de la moindre béance, de la moindre tension ; voyez-les : il faut que leur scénario se déroule. S'il ne s'active pas elles le provoqueront en exaspérant ou en se mobilisant. Pauvre petite narcisse arrivée dans un monde plein de règles absurdes et d'injustices !
L'hypocrisie est chez les autres, toujours (les anarcho-trumpistes sont l'ennemi frontal – dans une fosse à purin voisine et tout-public). Les aguicheuses [leurs comportements] sont mal interprétées, objectivées par les autres – on pourrait croire qu'elles participent à fond – faute : dans leur dialectique non. Là-dedans il n'y a pas que des idioties : voilà une 'pute/salope' donc on se donne des droits, la fille la plus drôle et pertinente relativement à sa mauvaise foi est le trave ; dans sa solitude Lily devient la cible des moqueurs, de la violence gratuite et ses proches adultes justifient ses malheurs – la société est plus forte que l'intimité même au travers des parents. Ironiquement la pointe de nihilisme ramène le film vers un semblant de lucidité, sous une triple-couche de grossièreté : l'humanité animale se régale des lynchages (le directeur veut faire valoir sa personne mais tous s'en moquent – comme de la réalité ou de la nature de sa faute, l'essentiel c'est simplement qu'une personne passe au grill – dévêtue pour mieux brûler). Les filles et le film ont beau jeu de constater que nous serions tous poussés à la vindicte populaire – aucune place pour le courage ou l'éthique là-dedans, seulement des fracas et les morales de meute fraîche ou enluminée. Car ces mondes-là sont ados, donc contraints – mais tout ça ne mérite même pas de remise en question (les questions aptes à émerger se règlent à coup d'ouvertures type : « la nudité pas forcément érotique »).
À force de dramatisation, victimisation et flagorneries le potentiel de vérité du film (au-delà de la simple crédibilité) implose carrément – le moment critique est le report du hacker boy lâche sur la fille (déjà accablée) ; les quatre commères sont alors soudainement pourchassées. Ce sacrifice n'a aucun sens même de la part d'une foule irrationnelle. N'y survit que le fantasme des sorcières de Salem. Tous les thèmes et toute cette sauvagerie sont tirés vers une thèse : on veut posséder le corps des femmes ! 2018 dans le monde, les slut sont nos boucs-émissaires. Progressivement Assassination n'est plus que ce qu'il est en principe : un truc féministe délirant et déplorable (alors que les aspects 'délirants' dans l'ensemble étaient directement vraisemblables, pas des échos lointains ou de la dystopie idéologique). Il n'y a même plus la bêtise joyeuse de l'ouverture, encore un peu spontanée malgré la démonstrativité – qu'un nanar empli de phrases prévisibles, de la démagogie teen tout juste accessible pour les vieux hypocrites. Ce n'est qu'une orgie de problématiques stupides de gens incapables de s'en défaire. Ils et surtout elles n'ont pas le courage d'être autonomes, d'être de vrais individus – ils et elles ont assurément celui de péter leur scandale et d'alimenter chaque petite étincelle pouvant vous transformer en martyr[e] – malheur, les 'safe space' ne résistent pas au feu.
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