Le film noir est un genre assez fantasmé, on en a les clichés (ambiance jazzy, détective torturé et alcoolique, jeux sur les ombres), mais on n’en connaît finalement plus les aboutissements, type Roger Rabbit, ou la renaissance avec le néo-noir avec des films comme Blade Runner. De fait, en dehors des cercles cinéphiles, on connaît assez peu les films noirs de l’âge d’or, et c’est pour cela que j’ai voulu en découvrir le codex, Assurance sur la mort de Billy Wilder. Et évidemment, tout y est, et c’est formidable. Le noir et blanc est magnifique, avec de très beaux et attendus jeux sur les ombres, la morale est saccagée par une femme fatale terrifiante, ici une espèce de salope névropathe et assoiffée de sang, absolument monstrueuse alors qu’elle se révèle à l’écran. Mais l’intérêt du film va au-delà de l’archéologie cinéphilique, puisqu’on y retrouve une relecture moderne de Thérèse Raquin, avec ce couple qui commet l’irréparable et qui explose sous le poids de la culpabilité, et c’est d’ailleurs là qu’il est le meilleur : en nous annonçant dès l’ouverture les retournements de situation qui sont les siens, Assurance sur la mort prend des airs de grande pièce tragique, et c’est là que se trouve, je crois, sa grande force qui en fait un film encore regardable aujourd’hui.