L'acharnement de Wes Anderson est incroyable, film après film depuis plus d'une décennie. J'aimerais bien avoir l'avis d'une personne partageant ma sensibilité qui découvrirait son cinéma aujourd'hui avec cet "Asteroid City", j'imagine que sans référence la découverte de cet univers extrêmement codifié recèle toujours son émerveillement, mais il est pour moi catégoriquement impossible de faire comme si on n'avait pas déjà vu 10 fois la même chose depuis le début de sa carrière il y a 25 ans.
Après avoir relu mes notules sur les trois derniers films, "The Grand Budapest Hotel", "L'Île aux chiens" et "The French Dispatch", je suis frappé par la constance de mon ressenti et presque du vocabulaire que j'emploierais à l'encontre de ce que je viens de voir. Ce cinéma semble avoir été conçu et mis en scène par un robot. Que ce soit l'étalonnage des couleurs, avec ces tons pastel homogènes (ici oranges et verts), les mouvements de caméra, tout en travellings rapides entre deux positions fixes, et la juxtaposition d'une multitude de saynètes donnant à peine l'illusion de raconter une histoire générale, tout se répète avec une artificialité ahurissante. On dirait que le cinéma se résume à de la mécanique, avec des pièces qui coulissent inlassablement entre elles de la même manière en suivant la même course.
Wes Anderson est un artisan incroyable, l'effet produit par son style est à la fois unique et incroyablement soigné, millimétré. Le corollaire à cela étant qu'il peut être très facilement copié, et c'est sans doute un des styles qu'on remarque le plus aisément ailleurs. Il n'est pas qu'un artisan, il y a quand même une âme derrière ses créations, mais comme ses films ressemblent de plus en plus à des copies des précédents, c'est le vide qui enfle et envahit tout l'espace. La ville du film semble construite sur du vide, les personnages semblent vides, la narration paraît vide. Les interactions entre les personnages sont minimales, et on assiste davantage à un défilé de célébrités ayant chacune sa petite case (à la différence peut-être de Jason Schwartzman et Scarlett Johansson qui ont plus de place pour exister, et encore) qu'au déploiement d'un tissu narratif ambitieux.
"Asteroid City" semble dénué de dramaturgie, on enchaîne les situations à un rythme frénétique, sur fond de mise en abyme parfaitement inutile (qu'on me dise ce qu'apporte l'encapsulement dans une pièce de théâtre en noir et blanc). Les tableaux défilent, on parle vaguement de deuil et d'ailleurs dans l'espace, mais tout reste d'une froideur proprement incroyable. Le perfectionnisme esthétique atteint ici à mes yeux ses limites dures, sans doute parce qu'il manque une charpente narrative plus vivante : en l'état, toute l'élégance de la mise en scène semble n'exister que pour elle-même, sans autre but, le formalisme fanatique étouffant au passage tous les thèmes et tous les personnages.