L’expérience est déroutante et ne sera pas la même pour tout le monde. Elle est néanmoins plutôt bien résumée par le motto du film (que j’ai traduit à ma manière dans le titre) : « You can’t wake up if you don’t go to sleep », littéralement « tu ne peux pas te réveiller si tu ne t’endors pas ». On nous invite à être éveillé (concernant quoi ?) en plongeant dans un décor coloré saturé digne d’un rêve. Le pari est réussi pour ma part (mais peut-être parce que je suis très sensible aux questionnements autour de l’absurde de l’humanité).
La mise en abîme du théâtre noie son propos et le spectateur avec. Les acteurs jouent des personnages qui sont complexes et qui questionnent les humains qui les incarnent. La frontière entre le fictif, l’artiste et l’Homme est floue et on ne comprend parfois pas quelles émotions on doit ressentir et pourquoi. Par exemple, l’acteur quitte précipitamment la scène de théâtre pour réfléchir aux actions de son personnage (actions qu’il a parfois lui même proposées d’ailleurs, le comble !). Il revoit alors l’actrice jouant la femme décédée de son personnage (elle porte d’ailleurs le costume de sa propre pièce de théâtre, qui se joue en même temps, un vrai bordel). Leur séquence est émotionnellement forte et intemporelle : est-ce l’acteur qui est heureux de revoir l’actrice avec qui il devait jouer à l’origine ? Le mari nostalgique de sa femme défunte ? L’homme touché par les mots de la femme ? Un mélange de tout ? C’est au spectateur de s’intéresser à cette question, et d’éventuellement y répondre.
Beaucoup de scènes et phrases de ce style sont disséminées dans le film. L’alien n’est au final qu’une sorte de MacGuffin, ou en tout cas un prétexte à aller à contre-courant, à s’interroger sur l’humain avant tout. Mais son traitement n’est pas délaissé pour autant et nous laisse respirer entre les scènes de crises existentielles, le tout accompagné de scènes d’humour efficaces et parfois absurdes, évidemment.