Le cinéma de Wes Anderson a ceci de fascinant qu'il suscite une envie irrésistible, quasi addictive, de se ruer en salle pour découvrir le dernier opus du cinéaste dont on sait pertinemment qu'il sera au mieux une copie correcte de ses plus belles œuvres, au pire une parodie complètement ratée. Avec au surplus le sentiment que plus aucun de ses films n'atteindra le niveau et la profondeur de ses chefs d'œuvre d'antan que sont Moonrise Kingdom ou l'île aux chiens . Malgré cela, tel un adolescent diabétique accroc aux sodas, je ne peux m'empêcher de décapsuler une nouvelle canette de ce grand moment totalement vain d'artisanat cinématographique magnifié par une esthétique rétro et nostalgique.
Après le loupé monumental de The french dispatch, je me suis rendu à la séance d'Asteroïd City avec quelques illusions en moins. Et pour le coup, j'avoue avoir été favorablement surpris. Manifestement Wes Anderson a compris qu'il ne pourrait plus tenir longtemps avec la seule et unique recette d'une esthétique fascinante s'il ne cherchait pas à nous raconter quelque chose. De fait, le réalisateur opte pour une mise en abyme originale et subtile au travers d'un basculement intermittent, en noir et blanc, dans les coulisses de la réalisation de son film. Il ne s'agit plus simplement d'utiliser son artisanat cinématographique pour ne rien nous raconter. Il nous raconte comment il met en œuvre son artisanat cinématographique qui, il est vrai, ne nous raconte rien. Nuance de taille. Car, au final Wes Anderson nous parle, ce qui n'était plus arrivé depuis longtemps.
De ce va-et-vient entre fiction et fiction du processus de création de la fiction, nous comprenons un peu mieux les doutes qui assaillent le réalisateur, l'angoisse de la page blanche, les frustrations des scènes coupées au montage... En outre, il met l'accent sur son rapport aux acteurs et aux scénaristes, dans un petit ballet empli d'affection. Le processus d'auto-analyse demeure assez pudique et Wes Anderson ne peut s'empêcher bien longtemps de faire du Wes Anderson. Mais il esquisse un petit virage personnel enclin à susciter de la sympathie et l'envie de continuer à le suivre.
Bref, nous avons à faire à un petit ovni cinématographique qui nous parle d'ovni, d'un film qui nous parle de film, d'un réalisateur qui nous parle de lui-même. Le procédé circulaire et un brin égotiste n'est pas révolutionnaire mais fonctionne clairement. Au final, nous ressortons heureux de ces 90 minutes en technicolor et décors de carton-pâte. Les acteurs jouent bien, l'histoire est fort bien mise en scène et on est pris au piège de cette histoire loufoque de village visité par les extra-terrestres. D'autant que l'on comprend un peu mieux qui est le véritable extra-terrestre.