Difficile de ne pas penser à L'Enfance nue, surtout quand on l'a vu vingt-quatre heures avant, mais le cadre de lecture demeure vraiment différent.
J'ai trouvé assez singulier le traitement frontal du rapport qu'à l'enfant à l'autodestruction, plutôt qu'à la simple destruction comme on le voit souvent dans ce genre de films, y compris dans le film de Pialat avec la presque banale torture sur animal. Ici on a la destruction - minime -, mais l'attention est bien plus portée sur cette souffrance immense contrit dans un corps de pré-adolescent complètement impuissant, et faible en toutes circonstances, si bien qu'il ne peut s'exprimer que par sa propre blessure. Et tout le film est construit sur de telles dynamiques. Si l'on quantifie la vie à sa capacité d'action, le sujet n'est pas la quête du sens, mais la quête de l'existence, encore plus fondamentale.
Un exemple le plus clair de cela est la scène où le gosse s'enferme pour échapper à son père, où il n'a d'autre choix que d'accepter 1) de n'être pas écouté 2) de croire aveuglément les promesses qui lui sont faites, être confronté à un monde indifférent. A ce niveau là ses crasseries et bêtises peuvent aussi être vues comme un moyen de se faire remarquer.
Le second élément qui rend Astrakan passionnant est le caractère quantitatif, mécanique, et évidemment commercial de ce qui fait les conditions d'existence de Samuel. Pendant tout le film on entend répéter "On a besoin de l'argent qu'il nous rapporte", très souvent contredit par les coûts qu'il engendrerait (sous-vêtements, voyage scolaire...), ce qui sous-entend logiquement que sa place dans la famille repose sur un calcul pur et simple, ce qui continue de le déshumaniser.
Néanmoins, ce qui fait rouler l'ensemble, c'est de rester avec lui, de garder de l'empathie tout le long du film, et d'expérimenter avec lui ses joies et ses peines "ordinaires", qui paraissent systématiquement augmentés, plus vrais que vrais.
Le dernier mouvement sait créer des effets hypnotique de manière assez attendue, et reste raté, car presque impossible à réussir, car parvenir à faire questionner la nature même de l'image que tu proposes au spectateur, à trouver l'interstice, c'est trop dur pour véritablement être une faute, surtout si cela se concentre sur une poignée de minutes. Ça à le mérite d'être bizarre.