« Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir ». Ces paroles de notre poète national Johnny Hallyday représentent bien le film du jour Asura : The City of Madness. Oui, un énième polar ultra noir venu de Corée du Sud, on commence à avoir l’habitude tant le genre est très (trop ?) représenté au pays du matin calme. Encore un diront certains (hein Rick), il est vrai. Mais pourtant, difficile de ne pas prendre du plaisir devant ce film viscéral au casting impressionnant, à la mise en scène une fois de plus superbe et au scénario plus complexe qu’il n’y parait, où les luttes de pouvoir et les changements constants de loyauté vont amener notre (anti)héros dans une spirale sans fin dont il ne sortira pas indemne.
Quatrième collaboration entre Kim Sung-Hu, qui signe également le scenario, et Jung Woo-Sung (Steel Rain, The Good The Bad The Weird) après Beat (1997), City of the Rising Sun (1999) et Musa The Warrior (2001), Asura : The City of Madness est donc un polar noir, très noir, dans lequel l’humour sera aux abonnés absents. On nous y présente l’univers complètement corrompu de la politique coréenne, mais également de toutes les institutions qui gravitent autour. Oui, plein de films ont déjà traité du sujet, et clairement ça semble être un questionnement central dans le cinéma coréen. Ici, aucun personnage n’est tout blanc, tous ont un côté bien pourri jusqu’à la moelle et jamais le réalisateur/scénariste n’amènera son personnage central vers la rédemption. Il ne se repentira jamais car il est constamment tiraillé entre les deux camps qui l’accaparent. Il n’arrive pas à faire un choix entre les deux et ça se retrouver violenté de tous les côtés, se rendant compte qu’il n’y a aucune issue favorable pour lui quel que soit le camp qu’il pourrait choisir. Il erre dans un monde de fou (le madness du titre ? ) où tout n’est que traitrise, violence, règlements de comptes. Les personnages sont très bien construits, aussi bien le (anti)héros constamment dépassé par quelque chose de bien plus gros que lui, que tous ceux qui gravitent autour. Bien qu’il ne vaille au final pas beaucoup mieux que les autres, on s’attache malgré tout à ce personnage car on ressent de la pitié pour lui, de la pitié mêlée à de l’empathie. Il s’est foutu tout seul dans une merde noire et il est pris dans une spirale infernale dont il ne voit pas la fin. Il mérite tout ce qui lui arrive, mais tout le long du film on ne peut s’empêcher d’espérer un dénouement positif, ou tout du moins meilleur que celui tragique auquel le scénario nous prépare tout du long.
Asura : The City of Madness est clairement porté par ses personnages, et surtout par son casting nous délivrant de grosses performances d’acteurs. Jung Woo-Sung est certes très impressionnant, mais les autres ne sont pas en reste. Hwan Jung-Min (Deliver Us From Evil) est absolument détestable, génial en maire avide de pouvoir, Kwak Do-Won (Steel Rain) parfait dans le rôle de ce procureur aux méthodes très radicales, et le jeune Ju Ji-Hoon (la série Kingdom) campe parfaitement ce personnage en jeune premier qui ne recule devant rien pour se faire bien voir. Kim Sung-Hu nous gratifie d’une très belle réalisation, à la fois sobre et classieuse, avec de superbes cadrages. La photographie de Lee Mo-Gae arrive à nous présenter des images à la fois belles et plein de décadence donnant encore plus d’impact aux scènes d’action du film. Elles sont d’ailleurs très réussies, toujours lisibles, nerveuses, intenses, très violentes et sanglantes. On ressent cette rage dans les personnages lorsqu’ils s’affrontent, dans les coups qu’ils se donnent. On a parfois l’impression de voir de la violence gratuite, avec du sang pour du sang, mais le rendu graphique est des plus impressionnants. Autre scène qui a méchamment de la gueule, cette course poursuite en pleine ville, aidée de CGI afin de faire passer la caméra d’une voiture à l’autre sans montrer de coupes, avec là aussi un côté très viscéral, voire bestial. Mais malgré ce côté ultra noir, le réalisateur arrive à faire en sorte que son film reste malgré tout un divertissement et pas simplement un truc noir de chez noir duquel on sort avec l’envie de se jeter d’un pont.
En reprenant la thématique du « tous pourris en politique et dans la police en Corée du Sud », Asura : The City of Madness n’est clairement pas le polar noir le plus original qui soit. Néanmoins, il est bougrement efficace et ses 2h12 passent comme une lettre à la poste.
Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com