Le maître du haut chaos
Le chaos a toujours été la source d’une fertile jouissance : un cri de vengeance pour ceux qui y agissent, un délire de puissance pour ceux qui l’ourdissent, une fascination pour ceux qui le...
le 23 sept. 2022
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Pour la mémoire d'Idir, les coupables seront traduits en justice. Je vous demanderai de rester calme.
La représentation des quartiers populaires et de ceux qui y vivent ne sont pas nouvelles au cinéma à travers un genre où les stéréotypes, les fantasmes, les positions politiques et les mauvaises fois se confondent pour s'en donner à coeur joie. Une macédoine de spécificités à la fois sociales et ethniques où selon les oeuvres présentées, on trouvera à chaque fois des critiques dressées par des gens portant une "vérité absolue". Une bonne parole allant pour la défense ou la destruction d'un idéal, bien plus que de l'oeuvre en question.
À gauche on s'indignera :
« Raciste ! Comment osez-vous critiquer une délinquance préadolescente qui n'est autre qu'une victime d'un système français fasciste perclue de discrimination ! »
À droite on proclamera :
« Laxiste ! Comment osez-vous incriminer un système bien trop accueillant qui se retrouve victime d'une certaine population étrangère ayant tous les droits sur le sol français, au point que des zones de non droits existent. »
Au centre on chuchotera :
« On fait profil bas les gars, car d'un côté comme de l'autre on va manger ! »
Un sentiment d’injustice face à la misère sociale. Un sentiment d'injustice face à la conciliance juridique. L’indifférence des pouvoirs politiques dans un cas comme dans l'autre. Une délinquance étrangère brutale, face à une police violente.
Une zone perpétuellement sous tension et arbitraire prête à exploser à tout moment, à laquelle votre cher ami "JéJé fait son Bagou", tend un drapeau blanc en posant une simple question : « Mais dans tout ça, que reste-t-il du cinéma ? »
Athéna est un film français sorti sur Netflix réalisé par Romain Gavras dans lequel on assiste au bouleversement d'une cité sombrant dans le chaos suite à la mort d'un enfant. Sur un scénario signé Romain Gavras, Ladj Ly et Élias Belkeddar, on va au plus près de l'action suivre une population victime d'un groupuscule ayant mis le feu aux poudres en mettant en scène un crime perpétré par une fausse police. Un plan implacable dont sera victime l'ensemble des protagonistes de cette histoire. Des personnages aveuglés par la haine qui ne trouve justice que dans la rage et la violence ce qui va entraîner un affrontement sans précédent. Un récit qui laisse place à une critique multiple où tout le monde en prend pour son grade. Il démontre que le radicalisme (quel qu'il soit) ne peut mener qu'à l'autodestruction. Dans une fusillade qui est le responsable, l'arme ou celui qui la manipule ? Un vaste sujet qui ici trouve comme réponse un appel à la responsabilité de tous. Nos actes entraînent des conséquences. Quelle que soit la motivation, c'est à la justice de rendre justice. Une bonne parole qui sur le papier sonne juste mais qui dans la réalité demande quelques fois un véritable recul. Une réflexion nécessaire où la raison doit passer avant l'action.
« Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna ! Athéna !... »
Athéna livre un récit haletant qui dès la première seconde captive l'attention du spectateur pour ne plus le lâcher. Une déferlante hyper nerveuse où on se régale des nombreuses actions. Un spectacle a coupé le souffle qui durant plus de la première moitié de l'intrigue sonne juste et fort. Puis survient un événement tragique qui va pousser le personnage principal à suivre un cheminement qui sur l'instant m'a paru farfelu et forcé. Une conduite inattendue qui va conduire le spectateur sur une résultante qui pour le coup ne pouvait être que la seule porte de sortie à tout ce foutoir. À défaut d'être de bon goût, cela a le mérite de coller avec le message dressé par le cinéaste. Dalí Benssalah sous les traits d'Abdel s'en sort brillamment. Il livre une performance bluffante à travers laquelle il transmet avec conviction le tiraillement dont il est victime. Sami Slimane en tant que Karim est plutôt bon. Aussi bien dans le fond que la forme, le cinéaste positionne le personnage de Karim dans une posture épique digne d'une tragédie grecque, qui sonne judicieusement et vient confirmer qu'on est avant tout dans un film qui livre un spectacle. Anthony Bajon en tant que Jérôme offre une performance satisfaisante. Ouassini Embarek sous les traits de l'instable "Mokhtar" m'a laissé sur le cul. Le traitement d'Alexis Manenti pour Sébastien qui n'est autre qu'un fichier « S »(sûreté de l'État), pourrait faire grincer quelques dents. Certains pourraient se dire que comme par hasard le prétendu terroriste est un blanc, on déresponsablise une fois de plus. Seulement, il est traité avec intelligence par le cinéaste qui en fait l'arme d'Abdel qu'il écoute tel un mentor.
Au niveau de la réalisation, il y a du niveau. La proposition technique est un vrai régal. Peu de raccords pour de nombreux plans-séquences qui durent plusieurs minutes. Un condensé d'images restitués avec verves sur des champs-contrechamps efficaces pour un montage nerveux signé Benjamin Weill. La caméra tourne adroitement autour des personnages. Les mouvements sont fluides. La photographie de Matias Boucard est claire et visible. Malgré le chahut constant on comprend tout ce qui se passe à l'écran. Une mise en scène soignée garantissant une immersion totale. On est littéralement plongé dans la cité d'Athéna. Les décors d'Arnaud Roth alliés à la retranscription technique de Romain Gavras garantissent une atmosphère oppressive implacable. Le spectateur se retrouve noyé dans un déluge de violence stylisée jusqu'à se perdre dans un chaos ambiant. La composition musicale de Benoît Heitz alias Surkin, accompagne remarquablement le spectacle jusqu'à devenir un élément primordial. Une performance misant sur un débordement d'orchestres et de chœurs conférant un rendu opératique considérable. Une musique agencée telle une tragédie grecque rapportée sur une bataille de banlieue française. Un mélange osé qui paye ! Une puissance musicale épique qui donne aux confrontations une perspective dramatique saisissante.
Athéna de Romain Gavras est un film coup de poing qui autant sur le fond que dans la forme sonne juste. Un spectacle étonnamment bon dans sa réalisation soutenue par une technicité remarquable distribuée sur un récit percutant, qui malgré quelques éléments farfelues, rends un constat dramatique saisissant pour une distribution qui assure le coup. Un nouveau film sur la banlieue française qui n'a pas fini de faire réagir violemment certains spectateurs et que je préfère avant tout voir comme une œuvre cinématographique et non comme un tremplin politique ethnique ou autres.
Une petite claque !
Chaque fois qu'ils tapent, on tape ! À chaque fois qu'ils tuent, on tue !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2022, Mitraillade, explosion, testostérone, stéroïde, course-poursuite, upercut, punchline : "Actionner bourrin" et « Cocorico ! » : classement du meilleur au pire des films appartenant au cinéma français
Créée
le 25 sept. 2022
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