Athena
5.6
Athena

Film de Romain Gavras (2022)

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Sujet brûlant ayant donné lieu à des débats enflammés, difficile de passer à côté du film (supposément) polémique de Romain Gravas mettant en scène la tragédie d'une famille sur fond de guerre civile opposant une banlieue à feu et à sang et des forces de l'ordre désordonnées.


Je choisi à dessein (certains diront à tord, et ils auront peut être raison) de placer le drame fratricide au coeur de l'intrigue. Au fond, Athena reprend les codes de la tragédie et l'applique à une fratrie : 4 frères, 4 victimes. Victimes de passions qui les submergent en même temps qu'elles embrasent leur cité. Passions qui les conduisent à un destin funeste que le spectateur anticipira mais qui s'imposera aux protagonistes. Amour, haine, vengeance, regret, fureur, violence, entrainant un frère dans la mort et conduisant le suivant à le rejoindre. Mention spéciale pour Abdel qui vrille littéralement de trajectoire en un instant et se retrouve lui aussi piégé dans l'engranage mortel d'un destin tragique.


Si l'histoire est intéressante le côté audiovisuel n'est pas en reste, bien au contraire. On pourrait même avancer que le film mérite d'être vu juste pour son esthétique et son budget pyrotechnie à en rendre jalouse la mairie de Paris un 14 juillet. L'action est au rendez vous, la photo est superbe, les plans sont marquants, tantôt sérrés sur le visage d'un personnage dépassé par les évènements environnants ou ses émotions, tantôt larges pour nous laisser ressentir le grandiose de l'arène de combat. Athena, et ce nom en donne l'indice, est un "péplum contemporain". Les centurions et les légionnaires remplacés par les caids et les crs, du reste c'est tout aussi épique et absolument tout y est : les combats, les discours de généraux, les choeurs, même les chevaux. On pourrait s'arrêter là et encenser le caractère visuellement jouissif du film. Cependant, dans "péplum contemporain" il y a "contemporain" et c'est là tout l'enjeu du long-métrage.


En effet, nous l'avons dit la toile de fond du récit est le conflit exacerbé au sein des banlieues de France, déclenché par une bavure policière conduisant à la mort du dernier de la fratrie, meurtre qui éveillera l'étincelle de la vengeance qui incendiera la cité d'Athena.

Oui le traitement des jeunes de banlieues peut sembler problématique et caricatural, là où au contraire la police est dépeinte comme a bout de souffle et de moyens, dans l'incapacité de faire régner l'ordre dans ces "territoires perdus de la république", police se plaçant en victime face à une démonstration de violence inouïe de la part des émeutiers. Les thèmes des violences policières, de la vie des banlieues, de ses problèmes et ses frustrations ne sont pas traités. La représentations des deux camps qui s'opposent est même plutôt favorable à la police et ce d'autant plus au regard de la révélation finale (qui n'en est pas vraiment une puisqu'elle est suggérée dans le premier tiers du film).

Ma première réaction face à ces "lacunes" de traitement a été de me dire que ce n'était tout simplement pas le propos du film, ni l'intention du réalisateur que de dresser une fresque sociale sur ce qu'est le rapport banlieue/police. Que la volonté était ailleurs, celle de proposer un beau divertissement, prenant et sensationnel. Pourtant, je ne sais rien sur l'intention du réalisateur, je n'ai suivi aucun entretien ni déclaration de l'équipe du film. De plus, peut-on réellement considérer qu'un film traitant de problématiques aussi délicates aujourd'hui, se revendique apolitique ou dépourvu de tout commentaire sur la situation des banlieues en France, et sur le discours politique qui entoure les banlieues ? En vérité une partie de moi me dit que tout est politique, surtout quand il s'agit de la représentation des banlieues, de la violence policière, qu'Athena ne peut pas simplement être regardé comme un péplum 2.0.

La scène finale vient confirmer cette dernière hypothèse. On pourra regretter éventuellement que cette fin arrive un peu avec ses gros sabots. Laisser le doute planer sur l'identité des auteurs de la bavure aurait peut être été plus fin, et aurait ainsi permis d'éviter de tomber dans le piège de dédouaner totalement ces pauvres et innocentes forces de l'ordre.

Toujours est-il que cette fin est intéressante et met en lumière un autre phénomène peut être encore plus grave à moyen-long terme, celui de la croyance obsessionnelle de l'extrême droite en un guerre civile et civilisationnelle à venir, et à laquelle elle se prépare.

Amadinho
8
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le 1 nov. 2022

Critique lue 6 fois

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