Je crois que je suis entré une seule fois dans un bar PMU dans ma vie. C’est une des rares fois où je me suis senti mal à l’aise dans un bar. Du coup je me suis senti bizarre devant ce film, j’avais l’impression d’être un bourgeois à qui on fait découvrir des pauvres. Impression renforcée par le fait que j’ai vu ce film dans un cinéma Arts & essai de centre-ville, où le public est a priori assez bourgeois (quand vous prenez un café en terrasse, vous avez un peu l’impression en écoutant les conversations d’être entouré d’artistes haha). En 2025 donc, on était 7 dans la salle pour regarder un documentaire de 2023 qui constitue un 1er long-métrage, ce qui est conséquent d’après mon expérience pour un documentaire relativement méconnu. J’ai pourtant une origine sociale relativement modeste, dans le sens où mes parents ont vécu par exemple de nombreux mois avec un Smic pour 2. Cependant, je pense que j’ai un profil sociologique un peu particulier parce que ma mère a un bac + 6, bref.Tout ça pour dire que c’est un milieu que je connais mal. J’ai la chance de n’avoir personne qui soit alcoolique (à ce point en tout cas haha) parmi mes proches, donc j’ai pas trop connu cette habitude de passer la journée au PMU.C’est intéressant de voir un film qui traite de l’alcoolisme, c’est un sujet qui reste assez tabou en France. On connait la puissance des lobbys dans le domaine, qui arrivent encore dans les années 2020 à faire pression sur le gouvernement lors des campagnes de prévention contre l’albus d’alcool: https://www.lemonde.fr/sante/article/2023/09/13/annulation-des-campagnes-de-prevention-sur-l-alcool-les-acteurs-de-la-sante-publique-denoncent-les-faux-pretextes-du-gouvernement_6189115_1651302.htmlLes personnes présentées dans le documentaire sont assez attachantes, parce qu’elles semblent toutes avoir un vécu assez lourd: décès, accident, prison etc. Vu le nom du film et du bar, Atlantic bar, et le fait qu’on mette du temps à déterminer que le film se passe à Arles, il y a une ambition visiblement de dépeindre un bar populaire français, sans forcément spécifier vraiment le côté bar arlésien, dans un contexte particulier etc.Cependant, ce qui caractérise le bar au moment où il est filmé, c’est qu’il est sur le point d’être vendu. On a ici un film qui nous parle de problèmes concrets de tenanciers d’un bar populaire, et par extension d’une partie de la population paupérisée: les dettes, l’épée de Damoclès de l’Urssaf, le manque de connaissances juridiques pour défendre ses droits, etc.Le film est très intéressant pour illustrer de manière concrète une idée théorique que je répète souvent aux gens autour de moi et qui ne semble pas toujours intéresser, notamment ceux qui n’ont pas de notions de sociologie. Des études sociologiques montrent, qu’en France notamment, les inégalités socio-économiques entre les plus pauvres et les plus riches augmentent d’année en année: https://fr.statista.com/themes/8502/les-inegalites-en-france/#topicOverviewQuoi de mieux pour illustrer cela que de se servir de la puissance du documentaire, du réel pour le démontrer? Fanny Molins, la réalisatrice, choisit tout simplement de poser sa caméra dans un bar de type bar PMU, que les propriétaires d’origine populaire sont obligés de vendre du fait de la gentrification à Arles, comme partout en France. C’est fascinant, elle dit « En filmant l’Atlantic Bar, je voulais montrer la vitalité d’un monde qui meurt » Paradoxalement, l’Atlantic Bar est à la fois un lieu de sociabilité, d’échanges, d’humanité important pour le quartier (vital pour certains) et à la fois une incroyable puissance de mort en tant que fabrique à alcooliques.Nous voyons des figures complètement dingues dans le film comme cet homme qui nous dit que son rêve aurait été d’être le bouffon du roi au Moyen-Âge. Il adore jouer le poète à l’eau de rose et sortir des vannes. La scène où il danse sur « La tendresse » de Bourvil est peut-être la plus belle scène du film.La mise en scène est simple, pas de recherche esthétique poussée, mais ça se prête très bien au côté très humain. Les clients du bar sont des prolos, des gens simples. Ils en ont rien à foutre des plan séquences, des travelings et des drones. Ce film me donne envie de réaliser des documentaires un jour, c’est super intéressant de bosser aussi près du réel.