Louis Malle fait la rencontre de Susan Sarandon sur le tournage de son premier film américain, "Pretty baby". Le réalisateur français et la comédienne américaine vivront une idylle de trois ans, le temps de tourner un autre film en commun avant de se séparer, Malle poursuivant alors en solo son aventure américaine.
Ce film, c'est "Atlantic City", long-métrage un peu oublié, qui ne paie pas de mine avec sa photo tristoune aux couleurs délavées, mais que j'ai beaucoup apprécié pour diverses raisons.
D'abord, Susan Sarandon y est resplendissante : la trentaine bien entamée, la comédienne n'est plus une jeune première, pas encore une femme vieillissante, elle est au sommet de sa beauté et forme un duo aussi inattendu qu'attachant avec le vieux Burt Lancaster, qui l'observe se déshabiller chaque soir depuis sa fenêtre voisine.
Ancien factotum des gangsters de la grande époque, celui-ci vivote misérablement aux crochets d'une vielle femme malade et acariâtre.
L'arrivée en ville de l'ex-mari hippie de Sarandon, désireux de revendre un lot de cocaïne dérobé à des truands, va remettre en cause l'équilibre initial, et offrir au personnage de Lancaster une ultime opportunité de renouer avec son glorieux passé - métaphore de la ville elle-même, qui court après son âge d'or, à l'image de cette affiche publicitaire proclamant : "Atlantic City, you're back on the map. Again."
A la croisée du film social, du film de gangsters et du drame sentimental, Louis Malle signe donc un beau film mélancolique, en harmonie avec son décor singulier : cette ville en mutation dont les vieux bâtiments défraîchis sont démolis en vue de construire des casinos, pour redevenir le Las Vegas de la côte est.
Autour du couple central, chaque personnage secondaire bénéficie d'un soin particulier et d'un traitement non-manichéen, Malle composant une galerie de losers du rêve américain, finalement plutôt attachants. D'ailleurs, "Atlantic City" est une oeuvre assez pessimiste mais pas foncièrement lugubre, à l'instar de son dénouement, que j'imaginais tragique dès les premiers instants, et qui se révèlera plus nuancé que prévu.
Confrontant l'ancien monde et le nouveau, Malle signe un beau film sur le thème de la nostalgie, et offre au géant Burt Lancaster son ultime grand rôle : hélas, l'un comme l'autre repartiront bredouilles de la cérémonie des Oscars, en dépit des 5 nominations décernées à "Atlantic City".