C’est une comédie. Une comédie grinçante comme on en voit habituellement chez nos amis du nord de l’Europe. Les habitués du cinéma belge ou scandinave ne seront donc pas dépaysés, pour les autres le choc culturel risque d’être un peu rude. Il faut avouer que la réalisatrice ne fait rien pour rendre son film accessible. Malgré la multiplication des clins d’œil, ceux-ci ne sont guères fédérateurs. Godard, les Monty Python, Alan Vega, Daniel Johnston, autant de personnalités de la culture populaire d’avant-garde, pas forcément des chouchous du commun des mortels. Une fois posé l’élitisme guilleret d’Attenberg, la vision du film s’avère une expérience assez unique, souvent hilarante tout autant que glaçante. Vaste parodie d’un certain cinéma d’auteur complaisant, l’œuvre égrène tous les clichés : cancer, Oedipe, identité sexuelle, autisme social, dépucelage glauque, tout y passe. Mais sur le mode de la blague, de l’humour noir jamais sordide. Il faut voir l’héroïne affronter la mort imminente de son père en gesticulant sur le kitschissime Be Bop Kid de Suicide pour bien comprendre le sens très particulier du burlesque ici mis en place.

Scandant le rythme du film, on trouve aussi de petites scènes hommages au Ministère des Démarches à la Con des Monty Python. Oui, oui. On croise encore des humains en proie à des comportements animaliers impromptus, sorte de référence dégénéré et hautement comique aux grandes heures du Living Theatre des années 70. Par instant, le doute nous étreint : et si telle scène était sérieuse ? Mais immédiatement une réplique, un geste, une musique, viennent nous rappeler la nature bouffonne d’Attenberg. Un traitement aussi radicalement décalé désarçonne complètement avant de séduire. On pourra reprocher à la réalisatrice une certaine cruauté envers ses personnages, fréquemment ridiculisés. On y lira plutôt une critique virulente des tics du cinéma d’auteur nombriliste, ici bousculé au-delà du grotesque. La performance d’Ariane Labed (récompensée au Festival de Venise) mérite toutes les louanges, tant la jeune actrice se donne corps et âme dans cette expérience démente, par ailleurs d’une grande beauté formelle.
Ed-Wood
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le 3 oct. 2012

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