Trait d'union entre le précédent 4 mois, 3 semaines, 2 jours (qui lui aussi abordait la relation d'entraide entre deux femmes) et le suivant Baccalauréat (qui reprend la question de la Justice, traitée à la fin du présent film), Au-delà des collines vient confirmer le talent d'un grand cinéaste. En raison de sa mise en scène austère quoique lyrique, de l'excellente direction d'acteurs consacrant le duo des innocentes et diaboliques Cosmina Stratan et Cristina Flutur et de sa qualité d'écriture. Toutefois, le prix du meilleur scénario est ici moins mérité que pour Baccalauréat, non seulement à cause d'une tentation contemplative pas toujours pertinente qui vient miner la fluidité diégétique, mais surtout d'une grande première partie (la première heure et demie environ) bien trop lente, tardant beaucoup trop à mettre en place les personnages et le conflit, devenant même redondante parfois.
Dommage, car il est clair que Mungiu maîtrise son art. Relevons d'abord le formalisme (pas seulement académique mais aussi esthétisant, moderne dans son minimalisme) du lien qu'il établit entre l'ascèse des personnages et sa mise en scène, réduite sobrement à des plans séquences qui sacrifient leur temps à l'introspection, à d'humbles clairs-obscurs où, parmi le silence des prières, les lueurs des bougies rivalisent avec les ténèbres voulant pénétrer par la fenêtre ou à une simple caméra sur l'épaule.
Formalisme aussi dans l'écriture, dans l'équilibre trouvé grâce aux deux personnages féminins, mus par une ferveur inaltérable, l'un pour Dieu, l'autre pour l'Autre, chacun voulant se fondre à l'objet aimé. Or, alors que Voichita (Cosmina Stratan) croit éperdument et inébranlablement en un Dieu qu'elle a trouvé, source de confiance, épaulée de surcroit par sa «famille», Alina (Cristina Flutur) ravagée par une peur panique due à un trauma de l'abandon ne parvient pas à fusionner avec Voichita ni à s'intégrer à cette «famille» (le choix des costumes venant symboliser cet écart qu'Alina entretient avec les autres puisque si ceux-ci ne portent que le noir, elle, en revanche, ne quitte jamais sa satanée veste de survêtement rose fuschia).
Autre qualité de Mungiu, morale cette fois-ci: si, au moment du conflit (disons dans la dernière heure, lorsque le film se met vraiment à exister), Alina est présentée comme hystérique et coupable du désordre de la maisonnée, le cinéaste sait nuancer son propos et dissoudre la faute, si bien que finalement tous les acteurs de la société seront pointés du doigt par quelqu'un d'autre. Ainsi, dans cette guerre entre les deux camps, aucun ne possède la vérité, pas même la Science et encore moins la Justice, qui apparaissent dans les dernières scènes.
Malgré toutes ces louanges, comme il a été dit auparavant, ce n'est qu'à la fin que le film prend forme, car le seul vrai intérêt de cette trop longue première heure et demie est de savoir pourquoi Alina se porte ainsi avec Voichita (question à laquelle un gros nounours en peluche répondra). Beaucoup trop long pour captiver l'attention. Soporifique même. Voilà ce qui gâche un film par ailleurs de très bonne facture.