Nous voici projetés dans une petite localité austère des montagnes tchécoslovaques dans les années soixante. La grande et unique distraction est le bal annuel, tant attendu par les habitants et organisé par les pompiers volontaires de la ville. Ceux-ci l'organisent d'autant plus fiévreusement qu'ils devront célébrer en cette occasion le départ à la retraite de leur ancien commandant en lui remettant en cadeau une hache d'or pour son dévouement. Outre la danse, le buffet et la tombola censée rapporter de l'argent à la cagnotte de la caserne, il y a l'élection de la "Reine de Beauté", clou des festivités. C'est alors que cette belle organisation va complètement se désintégrer. Les imprévus vont s'accumuler tout au long de cette soirée et comme par un malin plaisir, un incendie va se déclarer en ville en plein milieu de la fête...
Il est vrai que rien n'était fait pour que ce bal mémorable puisse se passer de la meilleure des manières. Les pompiers se brouillent sans cesse entre eux au sujet de l'organisation,. les lots de la tombola, joliment disposés sur une grande table, disparaissent par enchantement et la suspicion pèse sur tous les participants. Comble de malheur l'élection de la Miss sera une source de conflit entre le jury, les participantes et certains parents ne souhaitant pas "exposer" leur fille au regard de la population et le concours va alors tourner à la catastrophe que tenteront de rattraper maladroitement les organisateurs. Quant au pauvre commandant en retraite, même lui, ne sera pas épargné par la poisse car la hache d'or sera elle aussi volatilisée. Pour clore le tout, le feu se déclare en pleine nuit dans une masure habitée par un vieux couple misérable et nos pompiers fêtards n'en éteindront que les cendres sous le regard curieux des habitants qui continueront néanmoins la fête sans se préoccuper de la détresse des victimes de l'incendie. Et lorsque, dans un élan de générosité, une quête s'organise le résultat reste aussi minable que les gens qui composent l'assistance.
Ce troisième long métrage de Milos Forman qui fut son ultime réalisation tchécoslovaque juste avant son exode et l'arrivée peu après des chars russes est intéressant à plus d'un titre. Il démontre la soumission au pouvoir en place d'un petit peuple . Ils en deviennent idiots, méprisants et individualistes. C'est donc tout le contraire de ce que ces régimes tentaient de nous vanter que nous démontre le réalisateur.
Il est bien certain que ce film ne fut pas accueilli de la meilleure façon qui soit par les autorités du pays puisque l'œuvre sera interdite à vie en Tchécoslovaquie par le régime en place, aidé en cela par le producteur, Carlo Ponti, sous le motif de dévaloriser la classe ouvrière. De plus, se sentant blessés par ce film, 45000 pompiers dont 5500 officiers démissionneront.
Si nous pouvons voir ce petit chef-d'œuvre corrosif, nous le devons à Claude Berri et à François Truffaut qui achetèrent les droits. Pour toutes ces raisons ce film, paru en DVD, doit être vu car il est vraiment une curiosité et une caricature fort bien sentie de l'état d'esprit régnant à cette époque dans ce pays.
La distribution est remarquable. Bien sûr le nom des acteurs ne vous dira peut-être pas grand chose, mais je ne peux résister au plaisir de citer Jan Vostrcil en chef du comité d'organisation du bal, Jan Stöckl, le pompier en retraite, restant digne malgré les catastrophes permanentes et Frantisek Svet, le vieil homme, victime fataliste de l'incendie, se résignant à se recoucher avec son épouse sous la neige à côté des ruines de sa maison sous le regard de ses concitoyens abrutis et plus préoccupés par la fête que par le drame auquel ils assistent. Comme quoi les petites gens n'ont pas forcément l'apanage de la générosité...
Après " L' as de pique" et "Les amours d'une blonde ", déjà commentés sur ce blog, la carrière de réalisateur dans son pays natal s'arrête pour Milos Forman juste avant l'arrivée de l'ombre russe en Tchécoslovaquie. Heureusement, grâce à son talent inouï, il va rebondir au travers d'oeuvres célèbres et sophistiquées. Malgré tout je regretterai toujours la dérision, le naturel, l'esprit critique voire l'impertinence du Milos Forman militant de cette époque par l'intermédiaire d'oeuvres réalisées avec de petits budgets.