L'expression « au hasard Balthazar » a quelque chose de l'errance.


Il sera un peu question de cela quand Robert Bresson la reprendra à son compte pour nourrir son oeuvre.


Une errance dans un monde à l'échelle d'un village, au gré des vents qui soufflent toujours dans une même direction, pour un âne que l'on s'échange, qui passe de main en main.


Un vent qui souffle toute sa souffrance, tout son drame sur une pauvre vie qui s'avance vers l'inéluctable. Arrachée à l'âge d'enfance et aux caresses de fouscades pour servir la bassesse et la lâcheté humaines.


Au Hasard Balthazar a quelque chose de christique, de sacrificiel, d'impuissant, de profondément désabusé. L'âne qu'il met en scène est sujet à toutes brimades, à toutes les violences, les abandons successifs. Un témoin souffre-douleur qui soutient la vision du monde nihiliste d'un Robert Bresson sombre, misanthrope, pessimiste quant à la nature humaine. Dans un récit aride, elliptique, qui avance par à coups, qui donne l'impression d'une neutralité détachée de l'émotion.


Impression relayée par la prestation des comédiens, au texte rare, peu incarné, en forme d'abstraction de la vanité et du dérisoire de l'homme qui ne fait que traverser, tel un fantôme, l'existence. Ces divers personnages rencontrés n'évoluent pas, ne changent pas d'un pouce : il s'engoncent au contraire dans un défaut, un vice, une méchanceté. Sans explication, sans justification. Ils ne sont à l'évidence plus conscience, mais uniquement des actes dont Balthazar est le témoin muet et impuissant. Soumis à des souffrances plus ou moins cruelles. Transformant sa vie d'âne opiniâtre en nombre de stations dans sa passion.


Devant ses yeux, les hommes choisissent finalement toujours le mal, la bêtise, la lâcheté. Aucun n'est sympathique. Jusqu'à devenir un agent destructeur qui semble allergique à la pureté, à l'innocence. Sans raison clairement identifiable, sans explication. Comme si le désoeuvrement était à l'oeuvre.


Sur ce terrain, Balthazar et Marie, sa première propriétaire qui s'est désintéressée de lui, partagent le même destin d'abandon, d'ingénuité malmenée, bafouée, abusée. Subissant le mal irréductible à toute cause.


Balthazar, lui, n'est qu'un animal domestiqué, qui sert son propriétaire du moment et, qui ne peut que réagir comme tel. Humble jusqu'au bout, dénué de la moindre réaction, sauf à parfois se sauver dans un instinct de survie terminal.


Balthazar n'est que la victime expiatoire de la sombre démonstration de Robert Bresson. Le mal est partout, universel, personnifié ou, à l'échelle d'une ruralité ramassée sur elle-même, tapie dans la rumeur mesquine et les petites médiocrités dérisoires, derrière les fenêtres du voisin qui épie.


Robert Bresson pense sans doute que rien ne mérite d'être sauvé chez ses contemporains. Dans une poésie sombre de tous les instants où se disputent les pires instincts, les abandons les plus coupables et les fragilités indécises. Les dernières minutes de Au Hasard Balthazar en sont la preuve. En effet, l'homme n'apparaît même plus, et se résume aux bruits qui déchirent le silence de la nuit.


Et l'animal solitaire, enfin, d'accéder à ce qui apparaît le plus comme un repos libérateur.


Behind_the_Mask, qui a peur de publier ses mémoires au vu du prix du copyright.

Behind_the_Mask
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le 3 mai 2020

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Behind_the_Mask

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