- Comment savez-vous que Chevalet est mort, puisque vous prétendez n’avoir jamais vu de cadavre ?
- J’ai vu plein de gens vivants, j’ai pu comparer.
- Non, (répondez) sans humour, comme ça on gagnera du temps.
Le commissaire Buron (Benoît Poelvoorde) charcute Fugain (Grégoire Ludig), suspecté d’un meurtre au fer à repasser. Le décor respire une honnête médiocrité bureaucratique. Buron est bourru et bougon, Fugain fatigué et affamé. Il est tard et l’interrogatoire s’annonce pénible. Si le spectateur met de côté la première séquence bucolique et musicale, il navigue en terrain connu, un huis clos policier. Ne manque que la pipe à cet émule de Maigret. Fugain, vous reconnaissez sept va-et-vient, entre votre appartement et la rue, la nuit dernière, la voisine a compté... Vous dormez peu Fugain. Moi aussi. Nous en étions au troisième des allers-retours. Non commissaire, au quatrième. Je ne... C’est exact, quatrième, continuez, nous progressons. Buron allume une cigarette. De la fumée sourd de son pull, s’échappant d’un trou de sa poitrine. Sournoisement, par la seule magie du verbe, Quentin Dupieux nous embarque pour un long voyage au bout de la nuit, convoquant cynisme et mélancolie, absurdité et fantastique, rêveries éveillées et paradoxes temporels... Tout cela en seulement 73 minutes, du pur bonheur ! J’y retourne. C’est pour ça !