Petite révolution dans l’univers James Bond. Pour la première fois depuis le début de la saga, le plus célèbre des agents secrets a changé de visage. A Sean Connery succède un illustre inconnu, George Lazenby, qui début dans Au service secret de Sa Majesté, qui sera son premier et dernier film en tant que 007. Un passage peu connu de l’histoire de James Bond au cinéma, et c’est fort regrettable.


Il est certain que nous nous étions habitués à la présence de Sean Connery, qui portait la saga depuis le début. Au fil du temps, James Bond a trouvé ses marques, et une sorte de schéma s’est construit, se dévoilant notamment avec Goldfinger, et se retrouvant ensuite de film en film. Mais, malgré cet entrain et ce bon rythme, la saga commençait doucement à tourner en rond. Ce changement d’acteur tombait alors à point nommé pour casser la dynamique et tenter quelque chose d’autre, ce qui est complètement le cas d’Au service de Sa Majesté, un film qui se veut aussi plus proche du roman dont il est adapté.


A la fois pour rendre hommage et pour ne pas déstabiliser le spectateur face à ce changement, le film fait référence à plusieurs fois aux précédents, comme la scène où Bond vide le tiroir de son bureau, quand un homme qui balaie siffle l’air de Goldfinger, lorsque le générique affiche des images des autres films, jusqu’à briser le quatrième mur lorsque Bond prononce la phrase suivante juste avant le générique : « This never happened to the other fellow. » Toutefois, il faut passer à autre chose. Et cet opus le montre rapidement, en faisant preuve de beaucoup de sobriété, excluant les gadgets, évitant la surenchère, laissant l’action progresser au fil du film pour suivre un rythme croissant. Au service secret de Sa Majesté délaisse le cynisme et la grandiloquence pour faire preuve de plus d’humanité, allant davantage à l’essentiel, développant son personnage principal, avec un Bond plus sensible et fragile, se dévoilant plus qu’auparavant.


Car, jusqu’ici, nous suivions l’agent qui accomplissait ses missions, mais tout cela ne permettait pas d’en savoir beaucoup sur l’homme. Au service secret de Sa Majesté s’y intéresse enfin, pour donner beaucoup de relief au personnage. Et cela passe notamment par le développement du personnage de Tracy, magnifiquement incarné par Diana Rigg, qui est l’un des rares personnages de la saga à avoir eu une présence suffisante pour être au moins à l’égal de Bond lui-même. L’intraitable agent britannique se montre alors sous un nouveau visage, devant faire face à ses propres faiblesses et remettant en question ses certitudes. Car c’est probablement le réalisme qui caractérise le plus ce film, qui laisse plus de temps au développement de ses personnages, simplifiant son intrigue, qui est loin de manquer d’intérêt également.


Nous retrouvons en effet Blofeld, l’ennemi n°1 de Bond, incarné par un Telly Savalas charismatique, plus malicieux que le glaçant Donald Pleasence, pour un affrontement psychologique avant tout, même si le film nous gratifie de grands moments d’action, les impressionnantes scènes de poursuite en ski en premier. Au service secret de Sa Majesté est l’un de mes Bond préférés depuis longtemps, grâce à son côté unique et à part dans la saga, son sens du rythme qui, malgré un démarrage calme, ne génère aucun ennui, l’émotion qu’il véhicule, la sublime Diana Rigg, et tout le mérite d’un George Lazenby qui délivre une très belle prestation malgré son inexpérience. Plus qu’un film James Bond, c’est vraiment un film sur James Bond, avec de véritables enjeux, de l’intelligence et, bien sûr, ce final mémorable qui cueille le spectateur. Peu se souviennent de ou connaissent George Lazenby ainsi que ce film et, pourtant, il s’agit de l’un des meilleurs crus ou, au moins, de l’un des plus intéressants.


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le 24 sept. 2020

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