Qu'on l'aime ou pas, voilà sans doute l'un des films les plus invendables qu'on puisse voir dans une vie. Le regarder, voire pire, le conseiller, vous vaudra sans doute de sérieux soupçons sur votre santé mentale. Mais heureusement qu'on est ici entre demi-tarés protégés par l'anonymat où on peut assumer regarder ou aimer (ça on verra) un film roumain de trois heures qui ferait passer un roman de Houellebecq pour du Disney.
Car en réalité, l'ambition du film est immense, il s'agit de rendre compte d'une sorte d'épopée existentielle purement mentale, ambition qu'on associe plus généralement aux romans, mais que Puiu persiste à vouloir capter avec sa seule caméra, dans une esthétique naturaliste similaire à La Mort de Dante Lazarescu, mais cette fois en épurant complètement la narration, si bien qu'on ne comprend pas le sens d'une grande partie de ces errances. Visiblement, le réalisateur devait être conscient de cette relative opacité vu qu'il est obligé de compenser par une surenchère visuelle dans le grisâtre et le glauque pour sursignifier ce soi-disant indicible, sans qu'on soit en mesure de repérer l'ironie quand elle semble pointer le bout de son nez (notamment dans cette horrible scène de tentative de suicide au fusil).
Bon, dans un ce cinéma purement descriptif, on arrive à comprendre quelque chose comme l'histoire d'un homme pris d'un désespoir inexplicable, et on arrive même à voir au détour de quelques scènes sa raison et ses capacités de sociabilisation basiques le quitter, mais seule l'étonnante scène finale nous donne la clé du récit et la distance nécessaire pour pouvoir en tirer quelque chose, scène extraordinaire de banalité de la noirceur et de désespoir de la condition humaine. Malheureusement, ça ne suffit pas à sauver le film, ni à compenser les trois heures qui ont précédé, où comme disait l'inventeur de la dératisation par voie laxative, on s'est fait chier comme des rats morts.