"Automata" réussit là où a échoué "I, Robot": les robots sont considérés comme un prolongement de l'Homme qui cherchent à survivre en devenant autonomes et libres, pas en leur donnant une âme, procédé un peu facile pour toucher la corde sensible du spectateur, ni en les transformant en menace imminente qui a soudain pour but de nous dominer car nous serions notre propre facteur d'extinction.
Techniquement moins maîtrisé que certaines pépites comme "Moon" ou "Ex Machina", "Automata" peut se targuer de faire mieux que le tout-venant des séries B de science-fiction. Il emprunte les voix de "Blade Runner" pour le ton et une certaine esthétique, et "I, Robot" pour les thématiques, et bien qu’il ne puisse rivaliser avec les chefs d’œuvres du genre tant les moyens semblent assez limités, il parvient avec un certain dépouillement et un rythme plutôt lent à poser un ton et une ambiance de fin du monde, sorte d’écrin d'un drame qui semble inéluctable.
Le personnage d’Antonio Banderas, Jacq Vaucan, agent pour la R.O.C. (compagnie qui distribue et gère les robots) doit trouver l’origine de modifications illégales sur leurs unités. D’ordinaire effectuées par des « horlogers », la multiplication de cas suspects pose la question de l’auto-modification des machines, normalement rendue impossible par des protocoles tout droit inspirés d’Asimov. Une forme de libération synonyme de perte de contrôle (et donc de marchés) et de danger potentiel.
C’est le regard porté sur cette émancipation qui séduit ici : le mystère des intentions de ces machines. Leur logique n’est pas véritablement explicitée, et cette inconnue que représente la réflexion de ces I.A. fait écho à des expériences bien réelles. L’observation d’une conversation entre deux I.A. afin d’étudier leur mode de réflexion fut un échec car
au bout d’un certain temps, elles avaient créé leur propre langage, indéchiffrable. Soit une intelligence imprévisible, potentiellement très éloignée de notre logique, de notre morale, de tout ce qui peut faire l’humain.
Contrairement au film de Proyas, quand les machines outrepassent leurs limites matricielles, elles ne se retournent pas contre nous, elles nous ignorent, cherchant avant tout à survivre. Sans nous. Une indifférence qui détone par rapport aux poncifs du genre, nous reléguant froidement au passé.
La fin du film montre cette émancipation, ce début de quelque chose qui ouvre vers l’inconnu, rendue possible par ce trait humain qui fait souvent l’Histoire : l’irrationnel. Alors qu’il est évident pour tous les personnages que ces morceaux de ferraille ne doivent pas évoluer, Vaucan alors proche de sa propre mort, fait preuve de compassion pour cette forme de vie qui, qu’on l’approuve ou qu’on la craigne, ne cherche qu’a continuer à vivre. Et probablement nous survivre. Ce qui serait alors notre prolongement, notre trace, un espoir que quelque chose d’humain subsiste. Ce sentiment de fin de l’Homme et de passage de flambeau finit de donner au film une dimension émotionnelle et philosophique.
Une quête de vérité dans un monde post-apocalyptique qui, sans être d’une grande originalité ni d’une facture exceptionnelle, tire son épingle du jeu en évitant l'écueil de la morale réductrice sur l'échec de l'humanité ou le danger inhérent à toute vie artificielle, et pose un regard subtil sur la nature des machines.