Curieux. Voilà le mot qui résumerait le mieux « Aux abois », audacieuse tentative de transposer à l'écran un roman de Tristan Bernard jugé inadaptable. Au-delà d'une reconstitution plutôt flemmarde des années 50, le film séduit dans sa vision des gens, assez pessimiste sans être trop sombre non plus, permettant à chacun d'exister et d'être intéressant, à défaut d'être vraiment attachant. Ce n'est pas non plus le but tant Phillippe Colin cherche avant tout à mettre en avant les failles, les peurs et les incertitudes de chacun, à l'image de cet étrange anti-héros interprété très correctement par Elie Semoun dans un séduisant contre-emploi.
Ce dernier se ferait toutefois presque voler la vedette par Ludmila Mikaël, probablement le plus beau personnage du film, émouvante bourgeoise infiniment plus triste et paumée qu'elle ne le prétend. Pourtant, malgré des conclusions on ne peut plus déprimantes sur la solitude, l'enfermement, l'isolement, comme si la vie amenait irrémédiablement à l'impasse, le regard n'est jamais sinistre, désespéré, le réalisateur gardant toujours une certaine décontraction vis-à-vis du récit, proposant ainsi quelque chose de presque léger, insouciant. À défaut d'être réellement aboutie ou captivante, cette fuite vers nulle part se révèle ainsi étonnante et riche d'enseignements : une bonne surprise.