Aux cœurs des ténèbres par NicoBax
Je n'ai jamais réussi à regarder "Apocalypse Now" en entier, à un moment je perds ma concentration et je commence à me faire chier ce qui fait que je manque parfois un peu de référence pour apprécier certains passages du documentaire mais la légende autour du film de Coppola m'a toujours intrigué : les caprices de Brando, la mégalomanie de Francis, la crise cardiaque de Martin Sheen, le renvoi d'Harvey Keitel, le tournage qui s'éternise, etc...
Eleanor Coppola est assez intrigante comme femme : elle enregistre les conversations de son mari sans le prévenir (celle après que le réalisateur a appris que Sheen avait fait une crise cardiaque est assez dingue), elle soutient corps et âme (c'est le cas de le dire) son artiste-génie de mari, elle est prête à renoncer aux fastes apportés par les succès des deux premiers Godfather si "Apocalypse" pour lequel le réalisateur a hypothéqué ses propres biens faisait un flop... Elle a l'air presque sous influence tant sa façon de parler de Francis est à décharge et ce malgré le comportement de son mari.
Parce qu'avec "Apocalypse Now", Coppola est clairement tombé dans la mégalomanie la plus complète. Les quelques semaines de tournage prévues aux Philippines deviendront des mois, les décors (ravagés par un ouragan) couteront des millions, le casting sera un peu compliqué à mettre en place... Voir Coppola râler parce que l'armée philippine (qui lui met à dispo les hélicos) se "permet" de les récupérer en cas de besoin (pour cause de guerre civile par exemple) c'est juste hallucinant. Idem pour sa scène du repas avec les Français d'Indochine qui refusent de partir (coupée au montage en plus)... Coppola se cherche lui même sur ce tournage, s'aventure aux limites de la folie quand il s'agit d'écrire la fin (peu aidé il est vrai par un Brando bedonnant, complexé, capricieux et pas très impliqué). Mais l'oeuvre est trop importante pour Francis, on s'aperçoit que c'est un peu une question de vie ou de mort de terminer bien qu'il s'en défende parfois. C'est un véritable cirque qui se met en place, les acteurs sont un peu livrés à eux-même.
On a aussi quelques contacts avec les acteurs justement... Lawrence Fishburne a tout juste 14 piges, il est insouciant et complètement drogué comme le reste du casting qui découvre les produits locaux sans retenue comme en témoigne Sam Bottoms. Quant à Martin Sheen, il est dans un creux de sa carrière, dépressif, presque suicidaire et épuisé à tous points de vue. Le tournage qui va s'éterniser va presque le laisser sur le carreau (Coppola ne croit d'ailleurs pas à cette crise cardiaque) mais il va y livrer sa fameuse scène dans la chambre où, hanté par ses démons, il perd pied, se coupe en cassant son miroir et s'écroule en sanglots en menant un combat contre lui-même, nu au milieu d'une chambre pourtant entouré de tout le crew et avec Coppola qui le guide... La scène est déjà assez forte dans le film, dans le documentaire, on se rend compte que Marty ne joue pas, il a complètement lâché prise et c'est très déstabilisant de le voir dans cet état second, demandant de continuer alors que même Coppola voudrait faire une pause.
Intéressant ce documentaire, plein d'images d'archive et quelque part assez honnête : Coppola est tellement mégalo qu'il en deviendrait presque ridicule (heureusement pour lui l'histoire a prouvé qu'il avait eu raison d'insister), c'est la caricature parfaite du réalisateur capricieux qu'on a tous pu voir dans des fictions... le voir demander un club soda au milieu de la boue comme si c'était la chose la plus normale du monde ou s'arracher les cheveux parce que l'armée ose lui prendre des hélicos pour aller se défendre, c'est assez incroyable. Et Eleanor qui à coté le soutient encore et toujours... Assez incroyable tout ça.