La sensation qui nous vient en premier lieu devant un tel film est celle d'avoir assisté à un ratage complet, un échec retentissant. Non pas un navet détestable : ici on sent une envie de bien faire, un premier degré consciencieux plutôt bienvenu dans un genre où les films parfois semblent s'excuser de ne pas être aimables. Non, ici on a quelque chose de radical et confiant dans son argument.
Alors pourquoi cet avis tranché déjà à chaud ?
Et bah j'vais vous l'dire, monsieur Pujadas.
Simplement parce qu'aucune émotion ne nous traverse durant ces 84 longues minutes. Et parmi les émotions que l'on attendait pourtant en grande pompe : la peur. La vision de ce film m'a fait la sensation de tomates-cerises sans goût. La texture est là, l'emballage et le prix étaient attractifs, mais le goût est absent. De la flotte. Aucun frisson, aucun pic de respiration ou écarquillement d'yeux. En fait, aucun photogramme de ce film ne restera gravé en moi. Ce haussement de sourcils immédiat m'a fait me poser cette question fatidique : qu'est-ce qui me fait peur dans un film d'horreur ? Et d'ailleurs, doit-il me faire peur pour que je le considère réussi ?
Vous avez 4 heures.
Le film commence comme une adaptation cheap de Stephen King : trois ados rêveurs et chamailleurs, probablement en manque de sensations fortes, décident de faire cramer une grange. On nous les introduit comme la bande de potes parfaite, affichant leur complicité, le rejet de l'autorité et leur goût pour l'aventure. Là où Ça et Stand by Me nous cueillent en nous rappelant nos doux souvenirs d'enfance, en nous séduisant par la personnalité pimpante des héros dont le quotidien familial ou scolaire suscite la compassion et la bienveillance du spectateur, le film échoue lamentablement à créer une vraie dynamique de groupe et même un univers propice à l'empathie pour ces sales gosses. On se demande d'ailleurs à chaque scène ce que ces 3 petits cochons peuvent bien faire ensemble. Déjà parce que, bien qu'ils semblent être dans la même classe, ils n'ont pas l'air du tout d'avoir le même âge, l'un ayant déjà un vrai corps d'adolescent testostéroné et faisant deux têtes de plus que les autres (ok il peut avoir redoublé 5 fois, admettons), mais aussi et surtout : ils n'ont absolument aucune interaction constructive entre eux. L'un passe son temps à taper et insulter l'autre, tandis que celui qui semble être le leader, en tout cas le héros du film, ne fait que les regarder en souriant, sans rien partager verbalement avec eux. Leur relation est tellement fade que la caméra ne sait même pas comment les filmer lorsqu'ils marchent l'un à côté de l'autre. Les répliques qu'ils se balancent à la gueule se répètent, déjà dans leur vulgarité, gratuite et appuyée, mais aussi dans leur inconsistance : on n'apprend rien d'eux au-delà des premiers dialogues (et ne comptez pas sur la mise en scène pour en savoir plus). Donc forcément le temps est long. Les seules phrases qui nous ramènent à leur vie privée sont rajoutées à la dernière minute, c'est lorsqu'ils passent à côté d'une voiture que l'un dit "euh cette voiture n'est pas là depuis longtemps, je le sais parce que mon père est garagiste"
"Il dit qu'il voit pas le rapport."
Le plus gênant dans ce groupe reste malheureusement le jeu d'acteur de l'un d'entre eux : le "petit binoclard" que j'appellerais ainsi car la caméra nous le demande à chaque scène. C'est la reproduction exacte du garçon sur qui il ne faut pas taper dans le Petit Nicolas parce qu'il porte des lunettes. A ce niveau-là c'est un spin-off. Chacun de ses propos sonne archi faux, ce qui n'aide pas la construction de cette amitié dans notre esprit, surtout quand il s'adresse à un enfant nettement plus âgé que lui. C'est principalement dans l'écriture que ça pèche selon moi, les lignes de dialogues le concernant ne servant qu'à appuyer son côté froussard qui fait pipi dans sa culotte.
L'autre est asthmatique. Il a une ventoline. Cette information ne nous servira à rien. Mais apparemment il faut quand même le savoir parce qu'on insiste bien dessus.
Plus tard, quand les garçons rentrent chez eux, on en apprend légèrement plus sur leur vie.
Le redoublant rentre dans son taudis de pauvre et se fait taper dessus par son père (le garagiste du coup) pauvre et alcoolique. Ça alors on comprend maintenant pourquoi il tape sur les autres. On comprend aussi pourquoi son besoin de s'échapper de cette misère. Or la violence inouïe avec laquelle son père le bat semble d'autant plus gratuite qu'accompagnée d'aucun contexte, aucun apport scénaristique. Un coup de ventoline et on est reparti.
Le binoclard rentre dans sa villa 5 étoiles chez ses parents riches, se fait priver d'opéra (lol) et se fait garder par une babysitteuse à la saillante poitrine devant sa grosse télé ou dans sa grande chambre pleine de jouets. On comprend aussi pourquoi son besoin de s'échapper de cet univers riche et confiné.
Le héros rentre chez sa maman qui a l'air normale, avec son beau-père super cool qui fait des trucs cools et qui parle de manière cool. En totale contradiction du coup avec la vie horrible qu'il a décrit à sa prof en début de film (ce truc de faignant pour nous exposer tout son passé en 3 secondes chrono).
Voilà peut-être une partie du problème résolue : je ne ressens rien devant ces ados car tout me paraît faux, je n'oublie jamais une seconde que je suis devant une fiction. Alors certes "la vie est un film" prononce un personnage un peu plus loin, mais les personnages crient leur artificialité à chaque ligne de dialogue, et fatalement, je n'ai pas peur pour eux, et attends patiemment que le scénario se déroule sous mes yeux constamment en avance de 30 secondes sur chaque scène. Ce n'est pas que prévisible, c'est aussi laborieux. Cette première partie du film semble s'éterniser tant elle ne nous montre rien. La première option est toujours choisie : se balancer de la bouffe à la cantine attendant laborieusement de se faire prendre par la prof tarée, mettre le feu à une grange attendant laborieusement que le propriétaire vienne les attraper, se planquer dans le premier camion d'à côté attendant laborieusement que le méchant sorte de son trou : tout est long car déjà écrit d'avance directement à l'écran. On ne fait qu'attendre que ça se passe. En fait c'est désagréable. D'autant plus désagréable que la mise en scène ne nous montre rien d'intéressant. On ne tremble pas. Ce décor super de vieux plateau de cinéma abandonné en pleine nature est filmé comme le jardin d'acclimatation. La tension y est totalement absente. Le mystérieux méchant masqué apparaît, mais se montre terriblement lent, voire incapable de rattraper trois faiblards sur son propre territoire (alors qu'il terrorisera 3 maisons en une seule soirée juste après, en se téléportant d'ailleurs d'une chambre à une autre au bout d'un moment j'ai pas trop compris comment il a fait ça mais bon). Bref, cette première rencontre est un rendez-vous manqué avec le cinéma.
Dans la deuxième partie, on passe au slasher. La ressemblance avec Ça y est à son comble. Mais après tout pourquoi pas. On y verra des choses un peu plus intéressantes à défaut d'être vraiment effrayantes.
Grillés par des enfants, les méchants veulent les tuer pour éviter de propager la rumeur de leur existence. Ce qui ne sert à rien d'ailleurs parce que personne ne les croit, mais ça, ils ne peuvent pas forcément le deviner. Mais tuer les 3 personnes qui disent les avoir vus dans leur cachette, le soir-même... c'est pas l'opération la plus discrète du monde. En fait, s'il y avait une coupe du monde de la discrétion, ils se feraient sortir au premier tour par un troupeau d'éléphants.
[SPOILERS MAIS ON S'EN TAPE UN PEU]
La première victime est la première rentrée chez elle : le fils du garagiste violent. J'ai vu le film tout à l'heure et je ne sais déjà plus comment il se fait tuer. Sa ventoline ne l'aura pas sauvé.
Victimes : 1 (2 si on compte le père parce que c'est plus rigilo)
Nombre d'asthmatiques sur terre : -1
La deuxième victime est le binoclard riche. Sa babysitteuse dont je parlais plus haut, a tout de l'adolescente hyper-sexualisée fantasmée par le petit qu'elle garde. Là où une toute petite dose de subtilité n'aurait pas fait de mal, on insiste lourdement sur sa paire de boobs. S'en suit d'ailleurs la persuasion la plus cheloue de l'histoire pour aller faire dodo :
- Que ton film soit fini ou pas, tu montes te coucher.
- Arrête ou je dis à maman que tu lui piques de l'argent.
- Tu ne veux pas plutôt dire que je t'ai fait des attouchements ? Tu en rêves pas vrai ?
- D'accord t'as gagné, je vais me coucher.
Pardon ? Rien compris. Mais ok.
Aparté : pourquoi dans les films les personnages regardent toujours des vieux films en noir et blanc, quelle que soit l'époque ? Au ciné ou à la télé, ils regardent tous des vieux classiques. C'est sur quelle chaîne ça ? Parce que sur TF1 y a Camping Paradis normalement.
Alors il monte dans sa chambre et là se produit la scène qui, à mon sens, est la plus réussie du film. Le masque de clown s'est glissé dans les peluches. On reste dans l'univers 80s avec une petite citation de E.T. (cette fois je pense qu'on peut le dire sans prendre trop de risque), mais l'idée est intéressante et potentiellement flippante. Idée accentuée par la lumière que fait le téléphone vibrant à l'intérieur du masque. On a droit (enfin) à un peu de mise en scène.
(On se demande par ailleurs comment ce ninja de méchant a réussi à prendre le téléphone et l'insérer dans un masque à l'intérieur des peluches pendant qu'ils avaient le dos tourné enfin bref c'est cool c'est ça qui compte après tout).
Mais la platitude reprend le dessus très vite, le monstre tue la babysitteuse en lui ôtant évidemment son soutif (nos meilleurs experts sont toujours à la recherche de l'intérêt de ce plan, nous reviendrons vers vous lorsque nous aurons de plus amples informations à vous communiquer) et le binoclard, après avoir changé plusieurs fois d'endroits pour rien, se fait enfin tuer. C'était long. Et tout ça pour ne rien montrer. Politiquement incorrect ? On peut comprendre la volonté des auteurs de ne dévoiler la "bête" que petit à petit, mais après avoir cité Spielberg c'est quand même un peu dommage de ne pas réussir à faire peur sans montrer le monstre. Il y avait dans cette maison des tonnes de moyens (les peluches, la télé, la babysitteuse, j'en sais rien un peu d'imagination bordel). Mais non. Aller on se rattrapera avec la troisième visite.
Victimes : 2 (4 si on compte Bob le garagiste et Jessica la bimbo)
Mauvais acteur dans le film : -1
Dans la maison du bonheur, quelques bonnes idées aussi. La petite sœur a perdu son chat et guette le moindre bruit. Forcément quand le monstre pointe le bout de son... euh... crâne... ça devient intéressant. La tension est presque existante à cet instant précis. Lorsqu'elle se dirige vers sa mère (enfin une actrice convaincante) pour lui dire qu'une "bête dort sous son lit" on est enfin permis de frissonner un peu. Toute la séquence "d'horreur" qui va suivre se met en place : la caméra dans la chambre du bébé notamment, qui constitue peut-être un autre plan un peu flippant puisque la révélation du corps entier de cette curieuse bête (à travers le medium du cinéma du coup, parce que la vie est un film). Encore une fois la réalisation n'est pas folichonne ici mais fait le boulot. Puis vient la mort du beau-père. Il a essayé de frapper le méchant avec je ne sais plus quel objet, ça ne lui fait absolument rien (le héros le mettra à terre quelques minutes plus tard, faut dire qu'il a l'air extrêmement plus costaud) et là il se fait tuer par une espèce de massage thaïlandais de mauvaise facture, une des morts les plus insensées jamais vues dans un film. Puis la mère se prend un nombre incalculable de coups mais résiste. Pour une fois la survie d'un personnage peut ne pas nous être indifférente : le héros a des petits frères et sœurs, et la mort de son beau-père cool fait de lui l'homme de la maison (c'est bien connu il en faut toujours un). Bon il sort le bébé de la machine à laver (wtf) et arrive à s'enfuir.
Au-delà des incohérences qui s'accumulent et du faible rythme des scènes (la mère reste quelques minutes entières à bloquer une porte pour pas que la bête sorte, a le temps de dire à ses enfants de rester dans leur chambre, d'appeler la police, de faire entrer son mec...) ce qui déçoit ici est bien sûr la bête, étrange mélange entre Voldemort et un ingénieur de Prometheus et juste euh... un mec a poil en fait, absolument pas rendu menaçant par la mise en scène (pas de contre-plongée, pas de jeu d'ombre vraiment percutant) et d'une lenteur assez désespérante, on finit par penser aux aliens quasi statiques de Signes que Joaquin Phoenix a le temps de défoncer a la batte de baseball. Et pourquoi cette machine à laver ? Ça n'apporte rien et les réals ne s'amusent même pas avec, on nous la pointe du doigt directement pour nous dire que le bébé est dedans, à quoi bon...
La fin est quasiment illisible, déjà il faut comprendre comment ils se sont tous retrouvés sur le plateau de cinoche avec les flics (toujours au nombre de deux malgré l'ampleur du problème), comment ils se mettent à cracher du sang d'un seul coup, comment ils plantent la bête (le montage est catastrophique à ce niveau) et la seule scène "gore" du film (sans compter la lamentable scène d'introduction dont je ne parlerais pas) intervient lorsqu'un flic se fait trancher la bouche. C'est mal fait. On n'y croit pas. Bref ils tuent le méchant, et c'est la fin.
Ah non, on a des scènes dans un cimetière. Intérêt proche du néant, mais finalement juste en-dessous. Et un épilogue lourdingue avec la fille en rouge de Matrix.
Voilà.
La peur est totalement absente de cette œuvre fade visuellement, mal écrite et à la musique jamais mémorable. On a l'impression de voir un projet d'étudiants de fin d'année, problématique de se lancer dans de tels projets si le budget ne suit pas. C'est très référencé mais n'invente rien en retour, ne propose aucun plan vraiment intéressant (je retiendrai la scène des peluches) et la résolution est aussi catastrophique que le background que l'on nous installe.
En bref ce qui me fait peur, c'est quand des personnages que j'aime bien sont en danger et quand je ne sais absolument pas ce qui va leur arriver. Ces aspects peuvent être présents dans l'écriture évidemment, mais aussi dans la mise en scène, un vrai langage en soit. Ce film-là est muet visuellement.
Bref, que du bon sens en fait, mais ça vaut le coup de se le rappeler de temps en temps.