Le problème avec ce film, c'est que si on le regarde sans rien en savoir et notamment sans connaître le réalisateur, Mamoru Oshii, on a des chances non négligeables d'être déçu. Tout dépend de ce qu'on attend d'un film. Il faut bien dire 2 mots sur Oshii qui vient à la base du milieu de l'animation car quand on a vu Angel's Egg, quand on a vu Ghost in The Shell, on sait tout de suite qu'il ne faut pas s'attendre à quelque chose de mouvementé, avec énormément d'action, et avec une narration conventionnelle et pensée pour donner au spectateur un maximum d'informations. Mamoru Oshii c'est avant tout quelque chose de lent, d'immobile, de contemplatif, avec relativement peu de dialogues, certains diront même prétentieux. On ne s'intéresse pas à l'histoire des personnages, on ne s'intéresse pas à leurs motivations, on ne veut pas savoir pourquoi on est dans un monde post-apocalyptique ni d'où sort ce putain de jeu et pourquoi tout le monde y joue. Non, ce sont des choses qu'il ne tient qu'à nous d'imaginer et de théoriser. Avec Oshii, on s'intéresse avant tout au moment présent, même lorsqu'il ne s'y passe pas grand-chose, on ne peut que se laisser couleur dans cette atmosphère sombre et inquiétante qu'il dépeint, dans laquelle les personnages ont parfois l'air aussi perdus que nous, et le manque d'information ne peut que rendre cette ambiance encore plus prenante (ceux qui ont vu Angel's Egg sauront exactement de quoi je parle).
Évidemment, si on se lance dans Avalon sans savoir tout ça, il existe une chance pour que ça nous corresponde auquel cas l'effet d'immersion n'en sera que renforcé; mais il se peut très bien qu'on ne soit pas le type de personne à s'extasier devant une scène de 2 minutes où l'héroïne prépare un ragout pour son chien ou est assise dans le tramway, où devant un gros plan qui dure 1 minute sur la bouche d'un mec en train de manger, c'est quelque chose que je peux totalement concevoir. Et quand je lis certaines critiques négatives sur ce film, on peut difficilement leur donner objectivement tort.
Alors parlons un peu plus du film lui-même : Avalon pour faire court, c'est une réflexion sur la notion de réel. On a un monde sombre et stérile où les gens essaient de fuir leurs vies de merdes en se réfugiant dans un jeu massivement multijoueur à réalité virtuelle, un peu comme dans Ready Player One. D'ailleurs dans le traitement de ce concept, Avalon est l'antithèse totale de ce dernier : là où Ready Player One en fait un blockbuster américanisé et manichéen avec un scénario on ne peut plus convenu voulant se la jouer cool avec plein de références de geek, Avalon ne fait pas les choses à moitié et est purement un film se voulant philosophique et contemplatif (et ne vous y méprenez pas, lorsque je dis contemplatif je parle bien de l'excellente ambiance à l'esthétique cyberpunk comme on en fait plus, car du reste ce ne sont ni les effets spéciaux Eco+ ni certains jeux d'acteurs assez douteux que j'aurais envie de contempler indéfiniment). Je l'ai néanmoins trouvé bien plus intéressant que son petit-fils, car à sa différence il a au moins le mérite d'emmener jusqu'au bout ce concept et de proposer une véritable réflexion à travers certaines théories : et si le monde lugubre teinté de ce fameux filtre sépia qui est censé être le monde réel dans lequel les protagonistes évoluent, n'était en fait qu'un monde virtuel ? On n'a aucune information sur les évènements qui se sont produits pour en arriver là, les figurants en arrière-plan ont soit des mouvements stéréotypés, soit ils sont simplement plantés là à attendre, sans vie, comme des PNJ de jeu vidéo... A contrario, le niveau secret dans lequel l'héroïne se retrouve à la fin, qui ressemble exactement à notre monde et où le filtre sépia a disparu, ne serait-il pas le monde réel dans lequel certains comme Murphy se seraient perdus, ou du moins y auraient égaré leur esprit. On aurait alors une espèce de "caricature" du phénomène virtuel de notre monde à nous, toujours plus riche, toujours plus indispensable à notre quotidien, toujours plus vrai que nature, que certains finissent par préférer au monde réel (comme l'a dit Murphy "si j'ai envie que ma réalité soit ici...) qui serait en fait... le vrai monde réel. Bizarre.
En somme un petit film plutôt intéressant, à regarder si on aime les oeuvres un peu dark et peu conventionnelles, le cyberpunk et si on n'a pas peur d'être un peu largués, à éviter si on n'aime pas les trucs trop statiques et un peu prétentieux. En tout cas un plus gros budget et quelques meilleurs jeux d'acteurs auraient tout de même fait du bien (bon il faut dire que je n'ai pu trouver le film qu'en VF, c'est peut-être pour ça...).